180 jours (Isabelle Sorente)
Ce roman raconte l'histoire d'un
professeur de philosophie parisien, Martin Enders, qui pour répondre
au défi lancé par Tico, la jeune fille de son chef de service,
Dionys Marco, fervente défenseur de la cause animale, décide de
faire un sujet d'étude universitaire en immersion sur un élevage
industriel de porcs.
Martin obtient un contact par une
sociologue pour aller à Ombres, village imaginaire au bord de mer
d'une région qui pourrait ressembler à la campagne bretonne.
Il laisse alors sa compagne Elsa,
journaliste à Paris et passe une semaine sur place, rencontrant Jean
Legai, le patron de l'usine appartenant au groupe allemand ZSR, un
fils d'immigré espagnol, fier d’être devenu une figure locale par la
force de son travail.
Homme énergique et habile, Legai
s'assure que Martin ne viendra pas porter atteinte à l'image de son
usine puis lui ouvre les portes pour qu'il rencontre Camélia, son
meilleur opérateur et successeur désigné lorsqu'il prendra sa
retraite à la fin de l'année.
Mais Martin ignore que Camélia va
saisir cette occasion pour lui expliquer le terrible malaise
qui le dévore de l'intérieur, avec insomnies et pertes de poids.
Ce malaise, Martin le ressent assez
vite en visitant le site ou les animaux passent par différentes
étapes parfaitement calibrées par des ordinateurs, depuis l'insémination des truies
jusqu'à l'abattage sur une durée de 180 jours maximum.
Durant ce laps de temps, les porcs ne
voient jamais le jour et passent d'un bâtiment à un autre.
L'évolution de leur croissance est
suivie scientifiquement jusqu'à parvenir à l'obésité à la fin de la phase d'engraissement.
Martin comme Camélia est troublé par
la condition de ces animaux intelligents, finalement assez proches de
l'homme et capable d'interactions assez évoluées avec lui.
Ces corps énormes prisonniers
d'espaces ridicules, ces traitements répétitifs, l'élimination
sans état d’âme de tout élément ne respectant pas les règles de
croissance de l'entreprise, tout concourt à vivre une horreur
programmée.
Camélia et Martin se fréquentent
également en dehors de l'usine, au café du village puis chez Mado,
une vieille dame qui héberge le philosophe à partir de sa seconde
visite.
Le trentenaire lui apprend avoir été
quitté par sa compagne, Nathalie, incapable de comprendre pourquoi
il ne voulait pas d'enfants.
Camélia lui explique sa lassitude, ses
violents cauchemars, son envie d'humaniser et protéger les porcs,
comme, une émouvante truie ayant qu'il a sauvé de l'abattage après
qu'elle ait massacré tous les petits de sa portée.
Martin revient ébranlé à Paris et
constate qu'Elsa, tout comme Dionys qui reste un vieux libertin, ne
peuvent ou ne veulent pas comprendre.
Camélia devient son ami et il finit
par lui aussi lui confier de dérangeants souvenirs d'enfance, dans
lesquels il était le souffre-douleur de son collège, insulté et
maltraité parce qu’il était jugé laid et stupide par un petit
groupe de meneurs cruels dirigé par un certain Gregory.
Les deux amis songent à une révolte,
comme celle qu'avait Martin lorsqu'il se baladait avec un couteau de
cuisine prêt à planter son tortionnaire, avant qu'il ne soit
finalement viré de l'établissement par l'intervention d'un
professeur plus lucide et compréhensif.
L'eau du vase déborde lorsque Camélia
est envoyé dans une formation pour apprendre à tuer/euthanasier
plus efficacement les porcs en maniant chocs électriques et coups de
poignards au cœur.
Martin, dont le comportement a changé
à Paris et qui s'est violemment disputé avec des amis insouciants
incapable de comprendre son état d'esprit, tente de le dissuader
d'aller à cette formation et de signifier à Legai son refus de
continuer mais Camélia s'en montre incapable.
Le patron local est il est vrai un bon
manipulateur capable d'alterner séduction en présentant son épouse
lors d'un diner et menaces physiques lorsqu'il découvre la mauvaise
influence de Martin sur son employé dit « modèle ».
Contre l'avis de ses proches, Martin
revient à Ombres et aide Camélia a baptiser les 15 000 animaux
durant la nuit en écrivant des noms sur leurs corps volontairement
anonymisés.
Le duo rencontre un commando
d'activistes dirigé par Tico qui a pour but de libérer les animaux
durant la nuit.
Les opérations se croisent, quelques
animaux sont libérés et partent dans les bois, puis Martin est
blessé à la jambe par un verrat agressif en voulant protéger Tico.
Revenu boiteux à Paris, il apprend que
Camélia a pu sortir de ce travail qui le rendait fou pour devenir
éducateur et se prépare à être père, Elsa allant lui donner son
premier enfant.
Plus que cela, , lui annonce la tenue
d'un séminaire intégrant ses travaux.
En conclusion, « 180 jours »
est une œuvre très forte qui montre l'envers du décors des
élevages industriels, une image plutot déplaisante dans laquelle
les animaux sont des unités de productions réduites à des tas de
viandes.
La rencontre entre le philosophe
parisien torturé et l'opérateur de province rongé par son boulot
inhumain constituant à donner la vie pour la reprendre 180 jours
après, est belle.
Tout sonne ici juste et Sorente
parvient à « humaniser » le sort d'animaux dont la
souffrance est niée au motif du profit.
Certaines passages dérangent, c'est le
but et viennent vous hanter comme on les devine hanter le sommeil des
protagonistes ayant assisté à des scènes d'abattage à la chaine.
Et si « 180 jours »
contribuait à vous rendre végan ? Peut-être.
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