Brésil 25, 2000-2015 (Luis Ruffato)
Sorti en 2015, « Brésil 25, 2000-2015 » représente l’occasion rêvée pour découvrir des auteurs brésiliens contemporains par l’intermédiaire de texte soigneusement compilés par Luis Ruffato.
En 25 textes donc pour 25 auteurs, on débute par « On devrait interdire » curieux extrait du « Budapest » du chanteur de Musique Populaire Brésilienne, Chico Buarque, qui raconte en quelques pages son irritant sentiment d’étranger essayant de percer une langue inconnue pour lui, le Hongrois dont les possesseurs semblent jalousement garder les secrets hermétiquement clos.
Ronaldo Correia de Brito nous perd ensuite avec « Un homme traversant des ponts » extrait de « Retratos imorais » dans les errements d’un écrivain dans les rues de Récife, qui dans ses pensées profondes pense à sa femme qui le dédaigne pour le sexe tantrique de son professeur de yoga, aux crabes hideusement entremêlés dans la boue du fleuve Capibaribe et au suicide du haut d’un pont.
Dans « Les hivers de Barbara » tiré de « A cidade ilhada » Milton Hatoum évoque le douloureux exil d’un couple d’opposants brésiliens Lazaro et Barbara, échoué à Paris pendant les années de dictature.
Dans ce milieu intellectuel un peu vain face à la puissance des militaires, la saudade de Barbara ne tarde pas à se muer en jalousie féroce.
Lorsque Lazaro disparait, Barbara décide de revenir à Rio de Janeiro et le retrouve avec une maitresse brésilienne alors qu’elle suspectait une française, Francine.
Le choc est de trop pour Barbara qui saute dans le vide de leur appartement.
Puis Cristovao Tezza nous fait découvrir « Beatriz et la vieille dame » tiré de « Beatriz » dans laquelle une jeune journaliste chargée de rédiger la biographie d’une vieille dame Dona Dolores, découvre le récit pervers de l’assassinat de son mari militaire après le choc de l’avoir surpris un jour en pleine action avec une maitresse.
Impossible de ne pas parler de Paulo Lins qui nous charme avec « Chronique de deux grandes amours » narrant la quête de baskets flashy de garçon déshérités d’une favela de Rio pour pouvoir séduire deux filles à un bal funk.
On se régale de cette entreprise de débrouille à coup de nettoyage de pare brise d’esquives de policiers et de trafiquants d’un gang d’une favela rivale pour arriver au but fixé.
Difficile de suivre l’émotion de Cintia Moscovich dans « Le toit et le violoniste » tiré de « A arquitectura do arco-iris » récit dans lequel une jeune enfant juive se prend d’affection pour une poule et lui évite de peu la casserole.
Marçal Aquino dans « Sept épitaphes pour une dame blanche » tiré de « O amor e outros objeitos pontiagudos » rend un vibrant hommage à une maitresse connue lors de la construction d’une centrale hydraulique à Tucurui à 400 kms de la ville de Belém.
Cet amour avec la femme, mariée d’un un chef de chantier irascible aura le gout sucré de l’interdit, de l’éphémère et se brisera définitivement avec l’annonce brutale d’un décès après un accident de voiture, ce qui marquera à vie l’amant.
En comparaison, malgré un sujet similaire, l’annonce à un metteur en scène de la mort de sa femme lors d’une scène ou un acteur est sensé regretté celle de sa femme, « C’est juste une répétition » de Bernardo Caravlho émeut moins, peut être parce que la passion amoureuse et l’exotisme de l’Amazonie y sont absents.
Dans « Milagres » tiré de « Domingos sem deus », l’organisateur des textes, Luiz Ruffato s’en sort bien avec une rencontre fortuite entre un père de famille perdu au fin fond du et un vieux garagiste ayant fui Minas Gérais en raison d’une paternité non désiré.
Le lecteur est transpercé par la prose de Beatriz Bracher dans « Ce qui n’existe pas » tiré de « Garimpo » texte superbe dans lequel Helena une photographe vit une expédition semi onirique matinale dans une fazenda familiale de l’état Sao Paulo, ou revivant un passé marquant ou elle assistait avec ses frères à l’abattage des bœufs, elle tente désespérément de sauver un veau pris dans la boue avant de se résigner à le faire tuer pour arrêter les horribles bêlements de sa mère.
Patricia Melo rate sa cible dans un glauque triangle amoureux de « Je t’aime » tiré de « Escrito no escuro » et Fernando Bonassi nous éclaire par la lucidité de son analyse sur la difficulté du statut d’écrivain moderne dans « Littérature contemporaine ».
La profondeur de « Condition du temps » d’Adriana Lunardi narrant une cérémonie d’enterrement du point de vue de l’esprit de la défunte émeut aux larmes, quand à Paulo Scott, il prend aux tripes en narrant dans « Amorces vers l’abime » le choc d’une femme Madalena qui n’intègre pas la mort de son mari poète Juliano qui dénonçait les crimes des favelas.
« La parasite » d’Eliane Brum raconte une incroyable histoire ou une femme dévore ses amants à la manière d’un serpent, tandis qu’Adriana Lisboa nous divertit avec « Le succès » nouvelle légère sur le quotidien de jeunes adolescentes de Rio de Janeiro influencée par les Etats-Unis.
Dans « Outsiders », José Luis Passos explore dans un style austère le douloureux passé d’un émigré Hongrois au Brésil après la Seconde guerre mondiale, puis Michel Laub s’intéresse dans « Animaux » un peu décousu à la fragilité de l’existence, que ce soit celles des animaux ou de proches.
Pas grand-chose à dire sur la courte scène de ménage de « Coexistence » de Carola Saavedra, qui précède l’énorme choc émotionnel de « Mains vides » de Rogeirio Pereira dans lequel un adolescent décrit la folie de son père ou le coté tabou de « Francisco n’a pas de conscience » de Andrea del Fuego dans laquelle une modeste employée de banque séduit un vieillard à demi paralysé pour finir par partager sa vie et s’approprier ses biens.
Paloma Vidal refait le coup du voyage aux sources en Argentine dans « Ainsi va la vie » tiré de Mais ao sul.
L’émotion est encore au rendez vous de « Temps perdu » de Tatiana Salem Levy ou Lucia met un collier dans le cercueil de son amant André avec qui elle a partagé des années de combat clandestin contre la dictature militaire.
Daniel Galera parle d’un amour d’enfance qui le poursuit à vie dans « Laila » et la jeune Luisa Geisler termine sur un irritant zapping international dans « Requiem pour un souvenir ».
En conclusion, « Brésil 25, 2000-2015 » n’échappe pas compte tenu du nombre important des auteurs, à une impression de relative inhomogénéité mais globalement la sélection de Ruffato est très bonne et permet de découvrir de nombreux talents.
Aux cotés des célèbres Paulo Lins et Milton Hatoum, d’autres belles découvertes comme Adriana Lunardi, Marçal Aquino, Beatriz Bracher, Paulo Scott, Andrea del Fuego voir Fernando Bonassi qui chacun dans leur style respectif provoquent la surprise, l’étonnement ou l’admiration.
A déguster avec avidité pour les plus curieux d’entre vous en quête de nouvelles littératures contemporaines.
En 25 textes donc pour 25 auteurs, on débute par « On devrait interdire » curieux extrait du « Budapest » du chanteur de Musique Populaire Brésilienne, Chico Buarque, qui raconte en quelques pages son irritant sentiment d’étranger essayant de percer une langue inconnue pour lui, le Hongrois dont les possesseurs semblent jalousement garder les secrets hermétiquement clos.
Ronaldo Correia de Brito nous perd ensuite avec « Un homme traversant des ponts » extrait de « Retratos imorais » dans les errements d’un écrivain dans les rues de Récife, qui dans ses pensées profondes pense à sa femme qui le dédaigne pour le sexe tantrique de son professeur de yoga, aux crabes hideusement entremêlés dans la boue du fleuve Capibaribe et au suicide du haut d’un pont.
Dans « Les hivers de Barbara » tiré de « A cidade ilhada » Milton Hatoum évoque le douloureux exil d’un couple d’opposants brésiliens Lazaro et Barbara, échoué à Paris pendant les années de dictature.
Dans ce milieu intellectuel un peu vain face à la puissance des militaires, la saudade de Barbara ne tarde pas à se muer en jalousie féroce.
Lorsque Lazaro disparait, Barbara décide de revenir à Rio de Janeiro et le retrouve avec une maitresse brésilienne alors qu’elle suspectait une française, Francine.
Le choc est de trop pour Barbara qui saute dans le vide de leur appartement.
Puis Cristovao Tezza nous fait découvrir « Beatriz et la vieille dame » tiré de « Beatriz » dans laquelle une jeune journaliste chargée de rédiger la biographie d’une vieille dame Dona Dolores, découvre le récit pervers de l’assassinat de son mari militaire après le choc de l’avoir surpris un jour en pleine action avec une maitresse.
Impossible de ne pas parler de Paulo Lins qui nous charme avec « Chronique de deux grandes amours » narrant la quête de baskets flashy de garçon déshérités d’une favela de Rio pour pouvoir séduire deux filles à un bal funk.
On se régale de cette entreprise de débrouille à coup de nettoyage de pare brise d’esquives de policiers et de trafiquants d’un gang d’une favela rivale pour arriver au but fixé.
Difficile de suivre l’émotion de Cintia Moscovich dans « Le toit et le violoniste » tiré de « A arquitectura do arco-iris » récit dans lequel une jeune enfant juive se prend d’affection pour une poule et lui évite de peu la casserole.
Marçal Aquino dans « Sept épitaphes pour une dame blanche » tiré de « O amor e outros objeitos pontiagudos » rend un vibrant hommage à une maitresse connue lors de la construction d’une centrale hydraulique à Tucurui à 400 kms de la ville de Belém.
Cet amour avec la femme, mariée d’un un chef de chantier irascible aura le gout sucré de l’interdit, de l’éphémère et se brisera définitivement avec l’annonce brutale d’un décès après un accident de voiture, ce qui marquera à vie l’amant.
En comparaison, malgré un sujet similaire, l’annonce à un metteur en scène de la mort de sa femme lors d’une scène ou un acteur est sensé regretté celle de sa femme, « C’est juste une répétition » de Bernardo Caravlho émeut moins, peut être parce que la passion amoureuse et l’exotisme de l’Amazonie y sont absents.
Dans « Milagres » tiré de « Domingos sem deus », l’organisateur des textes, Luiz Ruffato s’en sort bien avec une rencontre fortuite entre un père de famille perdu au fin fond du et un vieux garagiste ayant fui Minas Gérais en raison d’une paternité non désiré.
Le lecteur est transpercé par la prose de Beatriz Bracher dans « Ce qui n’existe pas » tiré de « Garimpo » texte superbe dans lequel Helena une photographe vit une expédition semi onirique matinale dans une fazenda familiale de l’état Sao Paulo, ou revivant un passé marquant ou elle assistait avec ses frères à l’abattage des bœufs, elle tente désespérément de sauver un veau pris dans la boue avant de se résigner à le faire tuer pour arrêter les horribles bêlements de sa mère.
Patricia Melo rate sa cible dans un glauque triangle amoureux de « Je t’aime » tiré de « Escrito no escuro » et Fernando Bonassi nous éclaire par la lucidité de son analyse sur la difficulté du statut d’écrivain moderne dans « Littérature contemporaine ».
La profondeur de « Condition du temps » d’Adriana Lunardi narrant une cérémonie d’enterrement du point de vue de l’esprit de la défunte émeut aux larmes, quand à Paulo Scott, il prend aux tripes en narrant dans « Amorces vers l’abime » le choc d’une femme Madalena qui n’intègre pas la mort de son mari poète Juliano qui dénonçait les crimes des favelas.
« La parasite » d’Eliane Brum raconte une incroyable histoire ou une femme dévore ses amants à la manière d’un serpent, tandis qu’Adriana Lisboa nous divertit avec « Le succès » nouvelle légère sur le quotidien de jeunes adolescentes de Rio de Janeiro influencée par les Etats-Unis.
Dans « Outsiders », José Luis Passos explore dans un style austère le douloureux passé d’un émigré Hongrois au Brésil après la Seconde guerre mondiale, puis Michel Laub s’intéresse dans « Animaux » un peu décousu à la fragilité de l’existence, que ce soit celles des animaux ou de proches.
Pas grand-chose à dire sur la courte scène de ménage de « Coexistence » de Carola Saavedra, qui précède l’énorme choc émotionnel de « Mains vides » de Rogeirio Pereira dans lequel un adolescent décrit la folie de son père ou le coté tabou de « Francisco n’a pas de conscience » de Andrea del Fuego dans laquelle une modeste employée de banque séduit un vieillard à demi paralysé pour finir par partager sa vie et s’approprier ses biens.
Paloma Vidal refait le coup du voyage aux sources en Argentine dans « Ainsi va la vie » tiré de Mais ao sul.
L’émotion est encore au rendez vous de « Temps perdu » de Tatiana Salem Levy ou Lucia met un collier dans le cercueil de son amant André avec qui elle a partagé des années de combat clandestin contre la dictature militaire.
Daniel Galera parle d’un amour d’enfance qui le poursuit à vie dans « Laila » et la jeune Luisa Geisler termine sur un irritant zapping international dans « Requiem pour un souvenir ».
En conclusion, « Brésil 25, 2000-2015 » n’échappe pas compte tenu du nombre important des auteurs, à une impression de relative inhomogénéité mais globalement la sélection de Ruffato est très bonne et permet de découvrir de nombreux talents.
Aux cotés des célèbres Paulo Lins et Milton Hatoum, d’autres belles découvertes comme Adriana Lunardi, Marçal Aquino, Beatriz Bracher, Paulo Scott, Andrea del Fuego voir Fernando Bonassi qui chacun dans leur style respectif provoquent la surprise, l’étonnement ou l’admiration.
A déguster avec avidité pour les plus curieux d’entre vous en quête de nouvelles littératures contemporaines.
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