Le mythe de Sisyphe (Albert Camus)

Voici la partie la plus philosophique de l’œuvre d’Albert Camus avec « Le mythe de Sisyphe ».
Dans ce court essai, l’écrivain français prend comme point de départ l’étude du suicide pour arriver logiquement à celle de l’absurde.
Fil directeur de tout cet ouvrage, l’absurde est étudié sous diverses facettes que ce soit sous celles de philosophes comme Nietzsche, Heidegger ou Hegel, phénoménologistes comme Husserl , d’existentialistes comme Kierkegaard, Chestov ou Jaspers ou plus tard celles d'écrivains comme Kafka ou Dostoïevski.
Pour Camus en effet devant les insuffisances de la pensée humaine à expliquer le monde, il n’y a deux manières d’appréhender la vie, soit s’en remettre à une métaphysique de l’existence aboutissant à la croyance en un dieu, soit considérer en toute lucidité l’absurdité de la vie.
Le premier nommé, le croyant trouve dans la religion des réponses à ses limitations et un baume à ses angoisses.
Pour le second l’alternative est la suivante, soit le suicide pour échapper à sa condition soit l’existentialisme même si l’auteur ne le nomme pas expressément.
Bien entendu c’est la voie de l’homme absurde ou de l’existentialisme que va tenter de développer Camus.
Il avance l’idée qu’un homme ayant pris conscience de l’absurdité de l’existence peut perdre l’espoir mais ceci ne l’empêchera pas de considérer cette absurdité de toute la force de sa conscience et par conséquent de se révolter contre les dogmes pour vivre sa vie de manière libre et pleine en en goûtant chaque émanation.
Camus cite en exemple les acteurs, les séducteurs comme Don Juan ou les conquérants qui vivent en se confrontant à l’humain et en accumulant de très nombreuses expériences terrestres.
La notion de quantité est donc ici primordiale.
Camus débouche ensuite sur la notion de création comme moyen suprême pour l’homme absurde de se réaliser.
Il opère ensuite un parallèle avec le mythe de Sisyphe, mortel condamné à hisser éternellement une pierre en haut d’une colline avant de la voir à chaque fois dégringoler arrivée à son sommet.
Camus voit Sisyphe heureux dans le renouvellement éternel d’une tache absurde dont il a pleinement conscience mais qui lui permet de se réaliser.
La fin de l’étude est consacrée à Kafka, écrivain de l’absurde auquel Camus rend un hommage admiratif au même titre que Dostoïevski et à un degré moindre Malraux.
En conclusion, « Le mythe de Sisyphe » offre une clé philosophique pour décrypter toute l’œuvre d’Albert Camus.
L’écrivain y dévoile ainsi sa conception de la vie, qui rejoint pour moi grandement l’existentialisme qu’exprime Sartre dans « La nausée » avec cette idée centrale, que devant l’absurdité du monde, plutôt que de se réfugier dans les dogmes religieux ou philosophiques, l’homme doit accepter cette absurdité, la vivre pleinement et se réaliser dans un travail de création.
Une œuvre intéressante donc mais que j’ai trouvée moins personnelle et touchante que « La nausée ».

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