Délivrance (James Dickey)

Tout le monde ou presque connait le film culte de John Boorman mais j’ai également eu envie de lire le livre de James Dickey « Délivrance ».
Sorti en 1970, « Délivrance » raconte la ballade de quatre citadins du Sud des États-Unis à travers une région sauvage du Sud profond vouée à disparaitre en raison de la construction imminente d’un barrage.
Ed le narrateur est un quadragénaire dont la vie pépère commence à le lasser.
Il a une femme, un enfant et travaille comme directeur artistique dans une petite société de publicité locale qui tourne plutôt bien.
Il est fasciné par Lewis, une sorte de surhomme en quête permanente d’aventures et de sensations fortes et s’adonne au tir à l’arc pour suivre les pas de son ami.
Leurs deux autres copains, Drew et Bobby font plus figure de suiveurs dans cette descente de la rivière sauvage qu’à concoctée Lewis.
Après quelques hésitations, les amis se lancent et rallient la ville d’Oree en Georgie dans laquelle il rencontre les premiers locaux, des hommes rudes et peu accueillants.
Lewis parvient à convaincre deux frères patibulaires de leur convoyer leurs voitures jusqu’à la ville d’Aintry contre rémunération.
Quant à Drew il semble plus enchanté par un duo improvisé au banjo avec un surdoué local que par la descente elle-même, qui s’annonce pourtant pleine de dangers.
Lewis mène l’expédition avec son assurance habituelle et Ed perd du crédit à ses yeux en ratant un cerf à 15 mètres avec son arc.
Après une nuit passée sous la tente, les choses se gâtent lorsque deux hommes agressent Ed et Bobby, ce dernier se faisant violer.
Alors que Ed tenu en respect par un fusil et son propre couteau s’apprête à subir un sort similaire, une flèche tirée par Lewis transperce le violeur et le tue lentement.
Un intense débat agite alors les quatre hommes et malgré l’opposition de Drew qui est partisan de se rendre à la police, il est décidé de cacher le corps afin d’échapper à un procès délicat.
L’homme, un péquenaud du coin est alors enterré dans un coin profond de la foret mais la peur d’être traqué par son complice agite les randonneurs.
Après une descente abrupte dans les rapides, les canoës chavirent, Drew est tué dans ce qui ressemble à un tir et Lewis se fracture la jambe.
Isolés dans un ravin, les randonneurs estiment que leur unique chance est de prendre leur ennemi par surprise et de le tuer.
Mais seul Ed se montre assez en état physique et psychologique pour gravir une falaise escarpée d’où est censé se trouver leur ennemi.
Après une ascension homérique dans laquelle il manque de chuter des dizaines de fois, Ed surpasse sa peur, monte dans un arbre, attend patiemment le tueur et le plante d’une seule flèche.
Mais en tirant il chute et se blesse lui-même en s’enfonçant une flèche dans le ventre qu’il extraie laborieusement au couteau.
Le corps du tueur est ensuite descendu en rappel puis coulé dans une zone jugée peu accessible de la rivière.
Plus tard, Drew est retrouvé puis lui-aussi immergé.
En souffrant, Ed blessé au ventre et Bobby toujours en état de choc parviennent à rejoindre la ferme la plus proche avec un Lewis semi conscient à bord.
Ils servent alors une version des faits soigneusement travaillée aux autorités locales.
Pourtant, Queen le shériff adjoint se montre particulièrement agressif et suspicieux car il s’avère être le beau frère d’un des agresseurs.
Ed lui tient tête courageusement et obtient le bénéfice du doute par le sheriff principal qui ne croit qu’à moitié à sa version des faits mais que l’absence de preuves matérielles et le peu d’accessibilité des lieux poussent à classer l’affaire.
Après avoir annoncé la mort de Drew à sa femme, les trois hommes se séparent, seuls Ed et Lewis restant en contact par leur passion du tir à l’arc.
Puis le barrage se construit et l’eau vient recouvrir la vallée, ensevelissant à tout jamais leurs secrets.
En conclusion, « Délivrance » est aussi puissant que le film pourtant archi connu de Boorman.
L’histoire est génialement addictive et tient en haleine du début à la fin avec des considération surprenantes sur le sens de la vie, l’ennui au travail, le renoncement lié au quotidien, l’angoisse du vieillissement et de la mort.
Face aux doutes de Ed, employé de bureau « lambda » poilu, gras et bientôt chauve, se dresse l’idéal d’ambition masculine représentée par Lewis, qui lui repousse ses limites physiques en permanence dans une quête d’immortalité.
Confronté à la brutalité de la Nature et de ses occupants, Ed parvient à se sublimer pour trouver en lui les ressources nécessaires à sa survie: tirer à l’arc, nager, grimper, se retirer une flèche…il en ressort non pas souillé du sang de ses crimes mais dans un état de vie et de force augmenté.
C’est là pour moi le principal message de « Délivrance » et sa force nietzschéenne qui font de lui un des classiques de l’art contemporain.
Merci à vous M Dickey donc pour ce chef d’œuvre.

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