Malevil (Robert Merle)


« Malevil » est un roman d’anticipation écrit par Robert Merle, et paru en 1972.
La trame de départ annonçant une guerre atomique détruisant le monde dit civilisé peut paraître bien peu originale tant le thème de l’apocalypse nucléaire a été maintes fois surexploité en science fiction.
Cependant l’originalité du roman de Merle est que l’histoire se déroule non pas dans une mégalopole mais dans une campagne française prêt de Cahors.
En effet un groupe d’habitants d’un château médiéval nommé Malevil abrité par une falaise abrupte, échappe par hasard à la catastrophe tandis que toute vie animale et humaine semble rayée de la carte.
Le groupe de survivants se trouve composé d’Emmanuel Comte, ex instituteur devenu éleveur de chevaux et propriétaire du château suite à un bel héritage, Peyssou, Meyssonnier et Colin trois amis d’enfance de Comte, Thomas géologue et enfin deux domestiques La Menou vieille femme frêle et énergique, ainsi que son fils Momo, retardé mental.
Ces gens vont devoir réorganiser leur vie pour essayer de survivre dans un monde dévasté ou la crainte du lendemain fait figure de norme.
Emmanuel devient vite le leader de la bande même si il instaure toujours un régime démocratique de principe restreint cependant aux hommes.
Les survivants de Malevil puisent dans leurs réserves entreposées à la cave (vin et viandes) , parviennent à récupérer certains animaux domestiques ayant échappés au massacre comme des chevaux, cochon ou vache.
Ils s’arment de fusils de chasse restants.
Ils replantent du blé, se réadaptent plutôt bien retournant sans difficulté à une vie plus rude et proche de la terre.
Les premiers sérieux problèmes surviennent avec l’apparition de bandes de pillards.
Emmanuel Comte s’improvise alors chef militaire et décime une bande de gitans vivant prêt de l’Etang, recueillant par la même occasion trois nouveaux pensionnaires, Jacquet jeune et fort, la Falvine, vielle et grosse et surtout Miette, sourde muette aux formes appétissantes.
Le groupe se structure autour de la religion, bien que Comte ne fut pas à proprement parler croyant, tout comme Thomas et Meysonnier, communiste.
La position d’Emmanuel par rapport à la religion est du reste assez ambiguë.
Il semble ne la voir que comme un fort ciment social.
Après délibérations le groupe semble refuser la polygamie et le partage de Miette mais celle ci apparemment de son plein gré décide de satisfaire alternativement les hommes de Malevil, ce qui apaise bien des tensions sexuelles.
Le livre devient plus excitant quand un mystérieux curé du nom de Fulbert arrive un jour à Malevil.
L’homme, brillant orateur, est très inquiétant et paraît être un imposteur.
Il dit être le maître du village de survivants de La Roque situé à une vingtaine de kilomètres de Malevil.
Fulbert utilise son charme hypnotique et  le pouvoir de la religion pour s’imposer aux hommes en ces temps troublés.
Comte sent la menace et une subtile partie d’échecs s’instaure entre les deux hommes.
Finalement après un marché conclu pour un troc d’une vache contre des fusil et des chevaux, Fulbert s’en va en déclarant voulant mettre un curé à Malevil.
Fulbert rêve en réalité d’étendre son pouvoir sur Malevil et de régner sur les deux communes.
L’arrivée d’une troisième partie corse encore plus l’intrigue de cette lutte à distance.
En effet une troupe de mercenaires armés d’une vingtaines d’hommes menace subitement la région.
Cette troupe armée de fusils de guerre et d’un bazooka, est commandée par Villemain, qui se dit ancien para.
La lutte acharnée pour la survie et l'indépendance s’engage alors entre Malevil, La Roque et la troupe de Villemain ...
« Malevil » est malgré sa longueur un roman intéressant.
L'aspect futuriste est ici finalement complètement absent, l’intrigue tournant plutôt autour d’une régression à l’état moyenâgeux des campagnes françaises.
La « nouvelle » société ainsi crée, se recentre autour de valeurs fortes et rurales comme la terre, l’élevage, la religion et l’art (défensif) de la guerre.
Cette société plutôt primitive ne s’embarrasse pas en effet de sophistication.
Les femmes y sont reléguées à des taches ménagères ou reproductrices, la religion est érigée en valeur refuge finalement jugée indissociable de la nature humaine.
Le personnage de Comte comme guide emblématique peut parfois gêner tant il prend le pas sur les autres personnages nettement relégués au second plan car malgré un ersatz de démocratie, Comte n’a pas vraiment de rival  politique à Malevil et cumule bien vite les pouvoirs de chef  religieux et militaire.
On pourra donc contester cette vision de la reconstruction de l’homme ancrée sur des valeurs à mes yeux assez discutables.
Pour le reste, le roman est bien écrit, dans un style campagnard, direct et vivant.
Le démarrage est un peu long, certains passages aussi mais les péripéties arrivant au fur et à mesure insuffle le rythme nécessaire pour tenir le lecteur en éveil.
J’ai particulièrement aimé le personnage de Fulbert, véritable serpent distillant son venin mortel jusqu’à la fin du roman.
Pour information « Malevil » a été adapté au cinéma dans les années 80, avec Michel Serrault, Jacques Dutronc et Jacques Villeret.
Le roman demeure pour moi bien inférieur sur le fond et la forme à « Ravage » de Barjavel.

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