L'étranger (Albert Camus)

J’avais lu pendant mes études « L’étranger »  d’Albert Camus, grand classique de la littérature française mais il ne m’en était pas resté grand chose, comme quoi quand le savoir est dispensé par contrainte son impression est plus fugace.
Dés les premières pages on est surpris et mis très mal à l’aise par le ton de la narration.
La situation initiale est tout  d’abord pénible puisque Meursault, un jeune français  célibataire d’une trentaine d’années vivant à Alger reçoit la nouvelle de la mort de sa Mère et est donc convoqué pour suivre la veillée funèbre et les procédures d’enterrement.
Outre ce cadre macabre ce qui rend mal à l’aise est l’extrême détachement et neutralité du ton abordé.
Meursault décrit en effet les événements comme si il leur était extérieur et comme si aucun d ‘entre eux ne l’atteignait.
Ce ton sera une constante du livre.
De retour à Alger, Camus décrit le quotidien de Meursault, son travail de bureau, ses habitudes, et surtout ses fréquentations.
Il y a Marie, sa jeune amie, qui semble attachée à lui et viser un mariage, Salamano un vieil homme ayant une curieuse relation d’amour haine avec son chien et surtout Raymond, proxénète violent et personnage inquiétant avec qui Meursault sympathise avec le même détachement.
Raymond a des problèmes avec une femme arabe qui lui doit de l’argent, il la corrige violemment, l’affaire prend mauvaise tournure, Meursault se porte témoin pour défendre Raymond au commissariat.
Les frères de la femme arabe se mettent alors à suivre Raymond pour se venger.
Le drame se joue à la plage d’Alger, ou l’affrontement a lieu.
Meursault commet alors un meurtre et abat par balle le frère de la femme arabe.
La description de la scène de la plage est extraordinaire.
Meursault semble entraîné passivement dans un concours de circonstances qui l’emmène à tuer un homme, il ne semble même pas avoir conscience de son acte.
Le soleil et la chaleur accablante sont décrits comme des éléments précipitant le drame puisqu’ils sont insupportables à Meursault.
Ceci n’est pas absurde je le pense en revanche car on sait que les crimes de sang sont plus nombreux quand les températures sont chaudes.
La deuxième partie du livre est donc le procès de Meursault et devant son indifférence à sa défense et son absence de circonstances atténuantes ou de remords, sa condamnation à la peine de mort par guillotine.
La fin du livre est la plus impressionnante avec l’attente dans la cellule et les dernières heures du condamné.
On comprend alors mieux la philosophie de vie de Meursault, son attitude d’insensibilité et de détachement par rapport aux évènements de son existence.
Le refus de la religion pour accompagner les derniers instants de la vie d’un homme et très marqué, avec le dialogue houleux avec l’aumônier.
Le message difficile à décoder précisément semble pourtant apparaître : puisque la vie n’a aucun sens, puisque des forces absurdes précipitent le cours des évènements comme le soleil qui fait tuer un homme ou le fait d’être condamné à mort pour ne pas avoir pleuré lors de l’enterrement de sa mère alors autant s’en détacher.
« L’étranger » est donc un livre puissant, inquiétant, provocant, choc (la dernière phrase fait l’effet d’un coup de poing au visage ) , mystérieux, plongeant le lecteur dans le malaise puis l’horreur pour l’emmener vers une réflexion quasi philosophique sur le sens de la vie.
Le ton de la narration évoque pour moi un rêve, ou plutôt un lent et insoutenable cauchemar sous le soleil algérien.
Par rapport au titre, l’étranger n’est donc pas cet Arabe tué par hasard, mais ce Meursault qui ne correspond à aucune norme sociale et doit donc être éliminé.
Un livre culte et difficile donc comme une plongée dans un abîme que peu de gens veulent finalement regarder en face.


Commentaires