Brésil, corruption, violence, criminalité, vers la fin du cauchemar (Nicolas Dolo, Bruno Racouchot)

Brésil toujours avec « Brésil, corruption, violence, criminalité, vers la fin du cauchemar » coécrit par Nicolas Dolo et Bruno Racouchot deux hommes d'affaires spécialistes du Brésil.
Fraichement sorti en cet été 2019, ce court ouvrage compile des interviews à des Brésiliens ou Français ayant l'expérience du Brésil, présentant souvent une double compétence entre policiers, militaires et chercheurs.
Cette double compétence permet d'allier expérience du terrain et capacités d'analyse plus en profondeur.
Mais comme dans tout travail sérieux, on commence par dresser un constat basé sur les statistiques enfin officielles des crimes violents au Brésil (homicides, viols) avec le fait établi que le Brésil a un taux d'homicide plus de 30 fois plus élevé qu'en Europe occidentale (31/100 000 personnes) et surpasse en nombre de mort sur la période 2010-2017 la Syrie pays pourtant en guerre, ce qui le hisse au rang du 10ieme pays le plus violent du monde.
Ce triste constat s'affine progressivement en centrant les épicentres de la violence dans le Nord du pays, présentant les états les plus pauvres et là ou la police est la moins bien dotée (Rio grande do Norte, Ceara), avec une particularité pour l'Amazonie, zone privilégiée de tous les trafics.
Rio de Janeiro est un cas particulier car la flambée de violence qui l'agite récemment est le résultat de l'effondrement des pouvoirs publics minés par une corruption endémique.
Puis, sans surprise, la violence apparaît autour des grandes métropoles comme São Paulo, mais tout en étant localisée dans des zones très spécifiques, certains quartiers étant par ailleurs parfaitement surs.
En réalité le sentiment d'insécurité touche toutes les couches sociales, même si ce souvent les hommes jeunes, noirs et pauvres qui en sont les premières victimes.
Sous l'angle économique on évalue à plus de 5% du PIB le cout global de la sécurité et comme une véritable plaie le vol de fret tout particulièrement l'axe Rio de Janeiro-São Paulo.
En analysant les causes on comprend que le Brésil n'a jamais eu de politique globale sérieuse pour sa sécurité et que chaque état la gère au mieux avec ses propres moyens.
La faiblesse du système judiciaire, le manque de capacité d’investigation et de communication entre les polices des différents états font que le taux d'élucidation des affaires est ridiculement faible (15% à Rio), que les peines sont rarement appliquées car les prisons sont surpeuplées.
Ces prisons justement, dangereuses et insalubres ont permis l'émergence de puissants groupes criminels dont les plus célèbres sont le Comando Vermelho et le Primeiro Comando da Capital, de véritables armées important armes et drogue des pays voisins (Colombie, Bolivie, Paraguay) pour étendre leur suprématie sur leurs rivaux.
Facteur aggravant, la corruption enracinée culturellement au Brésil par la pratique du « jetinho » le moyen de s'arranger d'une situation ou d'une loi en la contournant.
Au niveau politique comme le montre le procès tentaculaire de Lava jato, elle atteint un tel niveau qu'elle affaiblit tous les services publics et entretient un système pervers dans lequel le détournement d'argent est la norme.
Le ras le bol de la population a engendré l'élection de Jair Bolsonaro, ex militaire et homme à poigne déterminé à lutter contre la corruption comme le montre la nomination du juge Sergio Moro, héros de Lava jato au poste de Ministre de la Justice.
Le projet de pacote anti-crime de Morro est ici analysé dans les grandes lignes en mettant en avant les avancées possibles pour lutter contre la criminalité économique et les factions criminelles.
Bolsonaro qui n'a pas hésité à Garante de l'Ordre et de la Loi, à déployer la Force de Sécurité Nationale de l'Armée à Rio pour contenir la flambée de l'insécurité, jouit l'expliquent les chercheurs du prestige accordés aux militaires réputés être des défenseurs incorruptibles de la Patrie.
La Police fédérale et la Police Rodoviaire Fédérale jouissent également d'une bonne cote, car composée de fonctionnaires compétents et efficace malgré l’extrême difficulté de leur mission pour couvrir un territoire immense avec l'immense foret amazonienne.
Autres avancées prometteuses, les programmes d'éducation introduisant policiers et pompiers dans les écoles, l'usage des technologies comme l'intelligence artificielle pour démanteler les réseaux criminels ou le système électronique SISFRON pour quadriller les frontières de l'immense territoire à surveiller.
L'ouvrage se termine par une opinion plutôt favorable à Bolsonaro face à une presse française qui le condamne par idéologie sans connaître les rouages internes du pays ou américaine qui voit d'un mauvais œil son désir de souveraineté.
En conclusion, derrière son titre choc et racoleur, « Brésil, corruption, violence, criminalité, vers la fin du cauchemar » met en place une analyse sérieuse de la sécurité au Brésil en citant des sources solides et en laissant la parole aux hommes de terrain et/ou aux universitaires.
Pour les auteurs comme pour la plupart des Brésiliens sans doute, Bolsonaro et Morro incarnent un espoir, celui d'endiguer la criminalité organisée prenant racine dans une corruption mêlant politiques et grandes entreprises.
Des pistes sont évoquées pour améliorer l'efficacité de la police mais nécessiteront de courageuses et lourdes réformes judiciaires, organisationnelles ainsi que des investissements importants en technologies et en infrastructures.
La tache paraît immense, mais elle est à la mesure d'un pays continent que l'immensité rend difficilement contrôlable et dons les richesses notamment environnementales attisent les convoitises des groupes criminels.
C'est à ce prix seul que le Brésil pourra enfin concrétiser son potentiel et rejoindre les rangs des pays développés et jouer les premiers rôles sur le plan international.

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