Au pays des vivants (Nicci French)

 



Poursuite dans le royaume de l'éprouvant avec « Au pays des vivants » remarquable polar écrit par le duo anglais Nicci French.

Pourtant rien n’était gagné puisqu’à la base je déteste les histoires de tueurs en séries, genre que je trouve surexploité par le polar anglo-saxon.

« Au pays des vivants » commence de manière folle puisqu’on est tout de suite plongé dans la peau d’Abigail Devereaux, jeune londonienne cagoulée, bâillonnée, ligotée et séquestrée dans un endroit effrayant par un mystérieux inconnu.

Les 60 premières pages du roman sont d’une intensité rarement atteinte dans un livre, le lecteur bloque sa respiration, son pouls s’accélère et partage totalement les efforts désespérés de la jeune femme pour essayer de survivre.

Impossible de ne pas entrer en empathie et de ne pas se demander viscéralement
« Et moi qu’aurais je fait à sa place ? » 
Pour ma part je suis admiratif devant les efforts d’Abby pour garder sa raison, les images mentales utilisées pour ne pas basculer dans une panique fatale, admiratif aussi devant ses tentatives de contact et de manipulation du ravisseur car je pense que je n’aurais pas eu toutes ses ressources préférant en finir vite.

En finir justement Abby s’y résout pour frustrer son ravisseur du plaisir de la tuer mais une chance inespérée lui permet de s’échapper.

Commence alors la lente et douloureuse reconstruction d’une vie brisée.

Nous suivons donc Abby profondément choquée et en partie amnésique qui essaie de retrouver le chemin de sa vie.

Pour ne rien arranger la police et les psychiatres qui l’examinent mettent en doute sa version des faits, l’accusant d’affabulations, sans oublier la menace éventuelle du tueur désireux de la retrouver.

Abby découvre qu’elle était consultante en décoration intérieure, qu’elle a démissionné de son travail les jours précédents son enlèvement,  de plus elle s’est également séparé durant le même laps de temps de Terry son petit ami de l’époque, alcoolique et violent.

Abby recontacte donc ses anciens amis, son ancien employeur, ses contacts professionnels et remonte patiemment la piste.

Remarquablement bien construit le roman se révèle un délice d’intelligence et de finesse.

Le duo Nicci French distille de nombreuses fausses pistes sur l’identité du tueur et provoque habilement un climat de paranoïa complet.

Le personnage d’Abby est formidablement attachant, femme intelligente, sensible, meurtrie, brisée, s’apercevant de la futilité de son ancienne vie matérialiste et déterminée à revenir au pays des vivants.

On notera la finesse de l’analyse psychologique à propos du malaise et du rejet des anciens amis par rapport à un drame qui les dépasse comme si finalement les amis ne voulaient nous voir que sous un jour favorable mais étaient gênés lors d’un coup dur.

Je pense qu’une réaction analogue serait observée si on annonçait à ses amis qu’on était atteint d’une maladie mortelle.

J’ai aussi beaucoup apprécié le questionnement d’Abby par rapport à un éventuel désir inconscient de mourir et du fait que son ravisseur l’ait détecté.

On rassurera le lecteur sur le dénouement heureux du livre.

« Au pays des vivants » est un polar de haut vol, vibrant d’intelligence, de profondeur, permettant de nous faire toucher la fragilité de l’existence par le prisme d’une jeune femme qui pourrait être n’importe quel être humain d’aujourd’hui.

Le tueur en série, échappant aux stéréotypes des films américains, n’est finalement que peu au centre du livre et aucunement déifié.

Je déconseille néanmoins la lecture de ce livre aux âmes sensibles.

Les autres, notamment les amateurs de polars bien construits seront ravis.

A quand un film ?

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