La Philosophie dans le boudoir (Sade)

 



 La Philosophie dans le boudoir » est peut-être l’œuvre la plus connue du Marquis de Sade.

Nul autre titre ne semble convenir mieux tant ce livre qui se présente sous forme de dialogues est une succession d’alternances entre scènes de pures débauches et authentiques réflexions philosophiques.

L’histoire est celle de l’éducation d’Eugénie une jeune fille de 15 ans par ses instituteurs Madame de Saint Ange, son frère le Chevalier de Mirvel, et le libertin Dolmancé aidés de leurs domestiques notamment le jeune jardinier Augustin.

Eugénie qui a quasiment désobéi à se mère Madame de Mistival pour rejoindre Madame de Saint Ange, est une belle et innocente jeune vierge qui va être deux jours durant le terrain d’expérimentation d’un apprentissage du libertinage, mélange de théories philosophiques et d’actes sexuels.

Le précepteur est assurément Dolmancé, qui véhicule les théories du Marquis mais Madame de Saint Ange joue également un rôle important, appuyant comme un double féminin le conditionnement de la jeune fille.

Plus de la moitié du livre ne consiste qu’en des scènes sexuelles débridées , très crues et donc déconseillées aux ames sensibles.

Le Marquis y fait longuement l’éloge de la sodomie et de l’homosexualité, surtout masculine du reste.

On notera une sorte de crescendo dans l’horreur, avec des hommes aux sexes de plus en plus surdimensionnés, (35 cm !) et l’utilisation pour les femmes de godemiché du même acabit.

De manière surprenante pour l’époque, Sade prône l’émancipation des femmes, égales aux hommes dans une société entièrement vouée au vice.

Ses conseils, notamment dans l’art de la dissimulation et de la fausseté sont pour le moins savoureux.

La cruauté est présentée comme le meilleur moyen de décupler son plaisir.

Les attaques contre les bonnes mœurs, l’éducation et surtout les religions sont d’une violence inouïe.

Jamais de ma vie en effet je n’avais lu de critiques aussi virulentes sur ces thèmes précis.

Sade développe les idées que rien n’est crime, ni le vol, ni le viol, ni le meurtre.

La deuxième partie du 5ieme dialogue intitulée, « Français, encore un effort si vous voulez être républicains » laisse de coté les scènes de débauches pour défendre de manière approfondie cette philosophie « inversée » de l’existence.

Pour cela, Sade s’appuie sur la diversité des coutumes des peuples du monde ainsi que sur des exemples tirés de l’Histoire (principalement Grecque ou Romaine ).

Y apparaît une Nature toute puissante, par définition cruelle, participant de manière égale aussi bien à la destruction qu’à la création.

Sade rejette l’existence d’un Dieu, la place centrale de l’homme dans le monde, conteste le rôle de la reproduction de son espèce, et tient pour responsable de l’affaiblissement de ces principes le Christianisme ou toute forme de religion, également coupable à ses yeux d’asseoir les régime despotiques.

Les lois, destinées à l’intérêt général au détriment du particulier doivent être en petit nombre et peu coercitives.

L’amitié, l’amour, de ses parents , de ses enfants n’ont pas leur place pour dans la vie du libertin qui se doit d’être libre, dénué de toute attache et puissamment  individualiste.

Au sortir de la Révolution Française, la pensée du Marquis résonne comme un puissant appel à ses compatriotes pour poursuivre l’effort et aller encore plus loin sur les voies de la liberté.

Les limites de Sade, (car oui il en a ! ) semblent être les guerres et les exécutions de masses.

Son argumentaire contre la peine de mort est également d’une efficacité assez imparable.

Le livre se termine sur un dernier dialogue, le pire(!) de tous ou la jeune Eugénie totalement gagnée aux théories sulfureuses de ses instituteurs participe de manière odieuse aux atroces tortures infligées à sa propre mère.

En conclusion « La Philosophie dans le boudoir » est un livre à la mesure de la réputation du Marquis de Sade, digne d’être classé X et par moment très choquant ou dérangeant (par exemple les passage sur l’inceste, l’infanticide ou la pédophilie).

Pour autant, les parties philosophiques tellement radicales et opposées à toute forme de norme m’ont terriblement intéressées.

Le Marquis de Sade me fait penser au fond à un anarchiste, un penseur révolutionnaire, un rebelle avec du fond, l’église pouvant même le qualifier d’Antéchrist en personne.

Son amour de la liberté trouve je le crois une intense résonance dans la culture républicaine française.

Les passages ou le Marquis s’attaque à la religion sont prodigieux.

Et dois je l’avouer, j’admire profondément son anticonformisme, sa soif de liberté.

Suivant sa sensibilité et son éducation on aimera ou on rejettera « la Philosophie dans le boudoir » mais c’est un livre qui pour moi fait réagir, interpelle, et fait figure d’incontournable référence littéraire.

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