Dictionnaire amoureux du Brésil (Gilles Lapouge)

 



Sorti en 2011, « Dictionnaire amoureux du Brésil » est la contribution de l'écrivain Gilles Lapouge à une belle série.

Fin connaisseur d'un pays qu'il a découvert en 1950 en tant que journaliste à Estado de São Paulo, Lapouge égraine l'alphabet lettre par lettre pour faire profiter le lecteur de son incomparable connaissance de ce pays-continent limité souvent pour la grand public au football et à la samba.

Le champs de savoir exploité est ainsi grand très grand, avec notamment les innombrables espèces de poissons ou d'arbres qu'on trouve principalement en Amazonie, mais ce sont surtout les réflexions sur l'Histoire, la Géographie et l'Art qui m'ont intéressé.

Il en ressort une passion non dissimulée pour le Sertão, cette région du Nord dont les grandes étendues désertiques l'ont envouté et dont l'histoire riche en grandes figures rebelles  tel le bandit « romantique » Lampião ayant longtemps défié les autorités contiennent leur part d'originalité.

Autre géant incontournable, l'Amazonie, réserve quasi illimitée de faune et de flore, qui provoqua la richesse éphémère de Manaus par l'exploitation du caoutchouc au début de l'ère industrielle, tout comme le Mina Gerais connut son heure de gloire jusqu'à ce que ses réserves de pierres précieuses se tarissent.

Impossible de parler du Brésil sans évoquer sa perle, Rio de Janeiro, cité aussi adorée que décriée, à mon sens par snobisme.

Lapouge rend hommage à l'esprit « carioca » mélange de malice, paresse et douceur de vivre, même si derrière le paysage de rêve, se dessine une autre réalité plus glauque, faite d'inégalité sociale et de violence endémiques.

Mais les autres villes emblématiques ne sont pas en reste, l'ancienne capitale Salvador de Bahia, berceau de la culture africaine et la nouvelle Brasilia, chef d’œuvre architectural froid voulu par les militaires et le génie visionnaire d'Oscar Niemeyer.

Même São Paulo, réputée sans intérêt par les touristes de passage, obtient les faveurs de Lapouge, par la richesse de ses vagues de peuplement et les qualités industrieuses de ses habitants.

Sur l'aspect historique, les évènements marquants sont la découverte de ce pays du Nouveau-monde par les brillants navigateurs portugais qui se limitèrent pendant longtemps à l'exploration de ses cotes, la percée des Bandeirantes, ces paulistas ambitieux et violents qui mus par une envie insatiable de richesse, ouvrirent l'intérieur du pays et fondèrent leur puissance sur la culture du café et des esclaves, tout d'abord Indiens puis Noirs.

L'esclavage justement est évoqué, avec sous des dehors plus « courtois » qu'aux États-Unis, le même drame : déracinement, déshumanisation et un racisme encore existant aujourd'hui sous le vernis de métissage ethnique.

A ce titre, le sort des coupeurs de canne à sucre, nouveaux esclaves modernes travaillant dans des conditions extrêmes sous la coupe de propriétaires terrien pour alimenter la production intensive d'éthanol, donne du calvaire de cette main d’œuvre pauvre surexploitée.

Les Indiens, Pouge en parle aussi, surtout le biais de témoignages des Européens les ayant approché, l’ethnologue Claude Levi-Strauss en étant le plus éminent représentant français.

Réputé paresseux et indociles, ils étaient souvent belliqueux et certains pratiquaient anthropophagie pour en d'intenses cérémonies religieuses destinées à s'approprier la force de leurs ennemis vaincus.

En conclusion, « Dictionnaire amoureux du Brésil » est une véritable encyclopédie destinée à alimenter une vie de recherche sur ce pays, ce que fit d'ailleurs Lapouge durant les 40 ans de sa collaborations avec l'Estado de São Paulo.

Sous sa plume légère, facile et brillante, les mots coulent facilement, charment et instruisent souvent, mais parfois tombent sous certaines facilités stylistiques.

Lévi-Strauss est égratigné et Stephan Zweig souvent ridiculisé pour sa connaissance trop superficielle d'un pays en réalité plus complexe.

Seul bémol de taille, si la musique brésilienne est mise à l'honneur par le biais des noms les plus illustres de la samba et de la bossa nova, rien n'est dit sur le football ou le sport en général (capoeira?), qui constituent pourtant une partie importante de la culture brésilienne.

Malgré ceci, on ressort de ce ouvrage épuisé, repu de milles images, odeurs, saveurs, et immanquablement séduit par le talent de conteur de Lapouge, malheureusement disparu en cette triste année 2020.

Nul doute qu'avec sa disparition, le Brésil a perdu l'un de ses plus illustres ambassadeurs dans notre pays !

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