Un Irakien à Paris (Samuel Shimon)

 



Les auteurs arabes ne sont pas fortement médiatisés dans notre pays à quelques exceptions près.

Pourtant il est quelques fois intéressant de sortir des sentiers (ra)battus  pour faire des découvertes et découvrir d’autres façons de voir le monde  quelques fois complémentaires avec celles des écrivains occidentaux.

« Un Irakien à Paris » de Samuel Shimon est un roman autobiographique qui raconte l’histoire un peu folle d’un Irakien passionné de cinéma américain, qui dans les années 80 va quitter son pays pour essayer d’aller à Hollywood dans le but de devenir réalisateur ou écrivain.

Bien entendu le périple ne se passe pas comme prévu et mille déconvenues surviennent à Samuel.

La quasi totalité du roman se déroule en réalité à Paris ou le voyageur imprudent échoue et finalement s’y plait.

A Paris Samuel va mener une vie de bohème, vivre comme un semi-clochard, hébergé de ci de la par des amis ou des maîtresses de passage.

Mais il va aussi et surtout découvrir la littérature à la bibliothèque Beaubourg, fréquenter le milieu des artistes  et les intellectuels du monde arabe principalement des journalistes le tout dans une ambiance très Saint Germain des Prés avec ses bars et ses cafés.

« Un Irakien à Paris » raconte donc mille anecdotes, quelques fois humoristiques, quelques fois tragiques d’un doux rêveur qui à défaut de Californie découvre une grande métropole européenne et la culture française.

On notera le très grande solidarité des Arabes entre eux dans les années 80 et ce quelle que soit leur origine.

Ainsi Samuel issu d’une famille assyrienne chrétienne et affublé d’un nom juif fréquentera principalement des Maghrébins avec qui le seul point commun  outre le fait d’être « exilé » est la connaissance de la langue arabe.

Ce qui frappe aussi c’est que Samuel ne fait jamais allusion au racisme, il a plusieurs amis français et fréquente aussi bien des femmes françaises que des maghrébines émancipées, comme si ce rêveur vivant dans son monde cinématographique était au final au dessus de cela.

La plupart des embrouilles qu’aura Samuel auront lieu avec des Arabes, les plus sérieuses ayant lieu au  Moyen Orient avec ses passages à tabac en Syrie et au Liban alors qu’ il est pris pour un espion  Israélien à cause de son nom.

Le passage dans un centre de réfugiés près de Melun est finalement lui aussi plutôt attachant.

En effet malgré le tragique de la situation, Samuel mettra en évidence la formidable solidarité entre des peuples hétéroclites et les relations quelques fois surprenantes pouvant se créer dans ce type de conditions hors normes.

Pendant tout le roman, Samuel s’accroche à son rêve et ne lâche jamais sa machine à écrire avec son idée fixe d’écriture.

Il évoque aussi toute la tendresse pour son enfance et sa famille, notamment son père sourd muet de naissance avec qui il avait une grande complicité et dont il apprendra la mort pendant son voyage.

Cet événement tragique lui donnera envie d’écrire un scénario autour de la vie de son père avec l’idée fixe et folle d’engager Robert de Niro pour interpréter le rôle.

Les évocations constantes et obsessionnelles du cinéma américain sont extrêmement plaisantes, notamment son quasi fétichisme à propos de John Ford, le réalisateur de films de western qui aura décidément considérablement marqué les gens.

« Un Irakien à Paris » parvient donc à nous faire sourire avec ses anecdotes comiques (notamment la ressemblance du héros avec Aldo Maccione quand il se rase la moustache ou sa façon de séduire une postière en lui faisant croire qu’il est ami intime avec De Niro )  mais aussi à nous toucher comme à l’évocation du père ou de François l’ami français tué par un bombardement  dont  le héros retrouve la tombe au Père Lachaise.

Nous ne sommes donc pas tellement dans la réflexion ou dans un roman très poussé au niveau politique, histoire ou sociologie mais plus dans l’émotion pure, le ressenti.

Ainsi la prise de pouvoir de l’Irak par Saddam Hussein est à peine évoquée, la terrible guerre Iran-Irak se déroulant pourtant à la même période que l’histoire non plus, même si nous l’apprendrons plus tard elle coûtera la vie à de nombreux proches de Shimon.

On regrettera peut être ce manque de perspective et d’ampleur.
Finalement le roman de Samuel Shimon est celui d'une intégration à une culture étrangère, intégration passant par l'amour des livres et du cinéma, ce qui pourra paraitre un peu simpliste à certains mais qui à mon sens demeure un des moyens les plus efficaces pour pénétrer une culture qui n'est pas la sienne.

    

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