Last days (Gus Van Sant)

 



« Last days » de Gus Van Sant sorti en 2005 est un film que je souhaitais voir depuis fort longtemps.

Le thème développé, les derniers jours (imaginés) de la vie de Kurt Cobain,  chanteur du groupe Nirvana m’attirait il est vrai fortement.

Nirvana pour ceux qui l’ignorent peut être était un des groupes de rock nord américain les plus influents des années 90, et l’instigateur d’un mouvement appelé « Grunge » , véritable phénomène de société auprès de la jeunesse de l’époque.

Le suicide dans des circonstances obscures de Kurt Cobain en 1994 marqua les esprits et du même coup le déclin inévitable de ce mouvement musical.

Autant le dire tout de suite, je ne suis fan ni de Nirvana ni de Kurt Cobain et je ne pense pas que cela pose problème pour apprécier le film.

L’histoire commence lentement, les premiers plans montrent un jeune homme marchant seul avec difficulté dans une immense foret.

Le jeune homme vacillant est d’apparence fragile et sale.

Il est très mince, voûté, blond à cheveux longs et à peine vêtu d’un tee shirt et d’un jean crasseux.

Sans un mot, le jeune homme se baigne dans un torrent et passe la nuit seul dans la foret.

Le rythme du film est extrêmement lent, presque contemplatif.

Petit à petit on comprend que ce jeune homme s’appelle Blake, qu’il est chanteur d’un groupe de rock et qu’il vit dans une immense maison perdue dans une immense foret du nord des États- Unis.

Dans cette maison vivent les autres membres du groupe, deux jeunes hommes et deux femmes dont une est jouée par Asia Argento.

Blake ne semble pas aller bien, il erre comme un spectre dans la maison, traînant sa frêle silhouette d’une pièce à l’autre, il marmonne des propos incompréhensibles, est assailli par des mouches invisibles.

La maison de disque s’inquiète de cette mise au vert prolongée, le groupe a une tournée à faire et le manager appelle sans cesse pour prendre des nouvelles mais Blake ne semble pas en état de lui répondre.

Blake paraît épuisé, au bout du rouleau.

L’acteur Michael Pitt livre une prestation exceptionnelle, tout particulièrement dans la scène ou habillé en femme il se traîne sur le plancher jusqu’au mur pendant que la télévision diffuse un clip abominablement mièvre du groupe de RnB Boys to Men.

Le décalage de cette scène entre les images de la télévision et la situation réelle est terrible.

Mais de manière plus inquiétante Blake traîne avec un lui un fusil.

Ce qui peut arriver est juste suggéré …

La vie continue, rythmée par quelques visites du monde extérieur sans intérêt et par les errements de Blake entre les pièces de son manoir et l’immense foret dans laquelle il se terre.

Très vite les autres habitants du manoir s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas aider Blake.

Eux même vivants dans un monde parallèle rempli par la drogue ne semblent pas très soucieux du sort de leur ami.

Un détective privé engagé pour le retrouver échoue et la propre femme de Blake ne parvient pas à le convaincre de quitter la maison pour voir sa fille.

Finalement le dénouement fatal arrive avec le suicide une nuit dans le cabanon de la maison.

« Last days » est un film terriblement fort d’une profondeur sans égale dépassant allégrement le cadre d’un film sur un chanteur de rock.

Techniquement le travail sur l’image est digne d’un virtuose.

Les quelques scènes de musique filmées par Gus Van Sant sont à couper le souffle tout particulièrement celle ou Blake est filmé de dos en plan fixe à travers une vitre en jouant de la batterie par une caméra s’éloignant progressivement.

Le son, rock, mais utilisant probablement des instruments orientaux est prodigieusement envoûtant.

Mes réserves sont plus par rapport à la noirceur de l’ensemble, l’infini absolu touché par ce film.

Regarder la déchéance, le détachement, la lente plongée dans l’abîme d’un homme peut fasciner mais aussi mettre terriblement mal à l’aise.

Le manque de rythme, le silence, la froideur sépulcrale, l’atmosphère de mort glacée qui rodent sur ce film sont également très lourdes à supporter.

Il a été dit que Kurt Cobain ne supportait pas la célébrité, qu’il était dépressif et drogué mais peut être tout simplement avait il en lui un mal être tel que star du rock ou non il se serait tout de même suicidé.

On ressort de ce film ému, choqué, triste mais en même temps plein de compassion et de respect pour l’acte délibéré d’un homme supportant vraisemblablement trop de souffrances pour vivre.

« Last days » est un film unique, techniquement brillant, touchant la plus grande noirceur et profondeur que peut atteindre un être humain.

En bonus, l’acteur Michael Pitt décidément génialement complet, a en plus d’incarner Kurt Cobain à la perfection été jusqu’à composer un morceau pour le film « Happy song » dans le plus pur style de Nirvana avec un humour noir,  des ritournelles pop alternées avec des passages violents ou le mal être est hurlé de toute son âme.

Après le visionnage de ce film j’ai mieux compris la raison de la renommée de Gus Van Sant.

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