Le Combat du siècle (Norman Mailer)

 



« Le Combat du siècle » roman de Norman Mailer est consacré à l’un des plus célèbres si ce n’est le plus célèbre match de boxe de l’histoire entre Mohamed Ali et George Foreman.

Ce combat revêt en effet plusieurs particularités intéressantes.

Tout d’abord l’époque, les années 70, 1974 pour être précis, années de contestation politiques et de libéralisation des mœurs.

Ali incarne du reste fort bien cette époque bouillonnante.

Boxeur surdoué il s’est converti à l’Islam, est proche des mouvements activistes noirs très revendicatifs voir violents comme les Black Panthers.

Mohamed Ali adhère aux Black Muslims d’Elijah Muhammad, organisation très controversée souvent taxée d’antisémitisme ou de racisme anti-blanc.

Ali a refusé de faire la guerre au Vietnam, a jeté sa médaille obtenue aux Jeux Olympiques quand on a refusé de le servir dans un restaurant en raison de sa couleur ... bref il s’oppose violemment au système américain.

Sa verve, ses provocations verbales et son sens du spectacle alliées à ses formidables qualités de boxeur intuitif et rapide déplacent néanmoins les foules séduites par son charisme.

En face de lui se dresse George Foreman, champion en titre des poids lourds, véritable monstre de puissance brute, puncheur quasi invincible, invaincu en 40 victoires dont 37 par KO.

Si Ali boxe en esquives, feintes et en touches, Foreman mise tout sur son extraordinaire force physique et ses lourds crochets aux corps.

Foreman a une réputation de dur sur le ring, un coté tueur qui effraie ses adversaires mais il a également une personnalité opposée à celle d’Ali.

Ancien voyou ayant été sauvé de la rue et initié à la boxe par une association chrétienne, il est réservé, silencieux, chrétien pratiquant.

En 1968 lorsqu’il fut champion olympique il exhiba un drapeau américain ce que Ali ne manquera pas de lui reprocher en le traitant de « suceur de blanc » ou de « blanc » avant que les deux hommes en viennent aux mains en conférence de presse.

Il y a donc une parfaite opposition de style et de personnalité entre deux immenses boxeurs, deux légendes de leur temps.

Le lieu du combat est également hors du commun.

Le match aura lieu en effet au Zaïre, à Kinshasa.

Norman Mailer fait parti des journalistes américains qui ont fait le déplacement.

Il s’inclut comme un personnage du roman, parlant de lui à la troisième personne du singulier et se considérant plus comme proche de Mohamed Ali.

"Le combat du siècle" décrit longuement les forces en présence, la préparation des deux boxeurs, leur entourage,  le cade africain du combat ainsi que sa portée politique pour le dictateur mégalomaniaque Mobutu.

Le style de Mailer est très plaisant, on goûte avec plaisir la galerie des personnages hauts en couleurs entourant les deux boxeurs, entraîneurs, sparring partners, agents, journalistes, femmes, la plupart d’anciens boxeurs ou hommes de la rue …

Le fameux Don King, organisateur du combat a également le droit à un truculent portrait.

Bien entendu le personnage d’Ali plus hors du commun que celui de Foreman avec ses déclarations tapageuses, ses poèmes naïfs, ses prophéties exaltées recueille le plus d’intérêt aux yeux de l’écrivain mais on sent également beaucoup de tendresse, de respect, d’admiration et de sympathie pour Foreman.

Mailer insiste sur l’intelligence tactique d’Ali qui en réalité bluffera tout le monde lors de sa préparation en faisant croire à son adversaire qu’il boxera selon sa technique habituelle basée sur la mobilité alors qu’il restera la majeure partie du combat dans les cordes à esquiver, bloquer ou faire travailler Foreman dans d’épuisants corps à corps sous la moiteur d’une nuit d’orage africaine.

Ali se préparera donc à se faire marteler dans les cordes mais travaillera aussi beaucoup son endurance par des footings nocturnes tandis que Foreman se contentera d’aligner d’une préparation plus classique.

La description du combat peut également être considéré comme un monument de la littérature sportive, avec le décorticage des événements et de la lente érosion de Foreman, enragé par les provocations d’Ali mais incapable de mettre KO Ali ou de trouver une solution malgré toute sa puissance et sa technique.

Ali apparaît donc une classe au dessus dans le combat et sa victoire semble logique.

J’ai beaucoup apprécié l’aspect sportif du livre même si je dois avouer ne pas aimer l’attitude provocatrice d’Ali et être un pro Foreman.

La chute de Foreman et ses déclarations d’après matchs m’ont d’ailleurs plus émues que les sempiternelles fanfaronnades d’Ali.

D’un point de vu extra sportif, le livre m’a moins plu.

Mailer semble cautionner la parole des Black Muslims, car celle ci prône à ses yeux l’apparition d’un classe moyenne bourgeoise noire.

Mailer voit également ce combat comme un symbole, le point de départ d’une affirmation d’un nouveau pouvoir noir.

Pourtant depuis 1974, il faut tout de même reconnaître que la situation en Afrique n’a pas réellement progressé.

L'ex- Zaïre est même ironiquement plongé dans une des plus sanglantes guerre civiles de tous les temps.

Les Africains n’ont donc pas pris leur envol comme le pensait Mailer et restent empêtrés dans des difficultés complexes.

Enfin il m’est toujours délicat de m’émerveiller devant Mohamed Ali quand on voit dans quel état il a terminé son existence.

Je me dis que sa technique ne devait pas être si performante que cela tout de même étant donné l’effet qu’on eu tous ses coups sur sa santé.

« Le Combat du siècle » n’est donc pas le livre du siècle, mais un livre intéressant pour qui aime le monde de la boxe mais dont les extrapolations sembleront prêter plus matière à discussion.

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