L'Homme qui tombe (Don DeLillo)

 



« L’Homme qui tombe » de Don DeLillo est un roman traitant des attentats du 11 Septembre 2001 à New York, sujet que je considère comme fascinant et passionnant à la base, puisque probablement l’événement planétaire le plus marquant que nous verrons de nos courtes vies terrestres.

Le titre du livre fait référence à un artiste de rue qui pendant plusieurs mois fit de mystérieuses apparitions dans des lieux publics en se jetant dans le vide retenu par un simple harnais de sécurité.

L’homme habillé en costume cravate restait ensuite figé dans sa chute immobile, comme un témoin du temps présent.

Jamais il ne donna les raisons de ses motivations.

Mais réalité DeLillo ne traite pas que de l’attentat, il décrit aussi les effets de celui ci sur les New-yorkais dans les mois et les années qui ont suivis.

Nous suivons donc les vies de divers personnages plus ou moins à la dérive, en état de choc et errant comme des spectres dans leurs existences fêlées.

Il y a Keith qui était dans une des tours quand c’est arrivé.

Séparé de sa femme Lilianne dont il a un enfant Justin, il se remet à la fréquenter après la catastrophe, éprouvant un curieux besoin de rapprochement familial presque animal.

Keith a été légèrement blessé, il a perdu une partie de la mobilité d’une main et se rééduque mais c’est surtout dans son esprit que la blessure est la plus importante comme si brusquement il s’apercevait que la vie n’a pas de sens profond et que vivre pour un job qui vous prend 8 à 10h par jour ne pouvait être suffisant pour la remplir.

Lors de l’attentat, Keith a ramené chez lui une mallette qui ne lui appartient pas.

Il n’y a pas d’explication logique à cela je pense c’est juste un réflexe.

Il retrouve la femme à qui appartient cette mallette, Florence une noire à la peau claire, également présente dans une des tours.

Tous les deux se soutiennent de manière touchante et ont une courte liaison sans lendemain qui perturbe plus Keith qu’elle ne devrait selon moi.

Lilianne elle aussi semble en perte de repères, correctrice dans une maison d’édition, ayant évoluée dans un haut milieu culturel, elle semble rattrapée par ses vieux démons comme le suicide de son père au fusil de chasse ou le déclin inéluctable de sa mère âgée, brillante conférencière dans le milieu des arts dont elle est très proche.

Lilianne est également préoccupée par son fils Justin qui ne s’exprime plus que par monosyllabes et scrute le ciel pour voir si les avions vont revenir.

Le thème de la mémoire enfouie ressurgissant après un traumatisme apparaît évident.

Lilianne prisonnière de son passé, anime un groupe de soutien pour les malades d’Alzheimer, la maladie que son père n’a pas supportée et qui l’a conduite au suicide.

Tous ces personnages semblent en état de choc, n’ayant même pas la force de chercher des raisons pour comprendre le pourquoi d’une chose qui en réalité n’en a pas réellement.

Lire le Coran n’apportera pas de réponses, les raisons sont politiques et font sans doute également appel au nihilisme guerrier profondément enfoui chez l’homme.

Et Dieu dans tout ça ?  Le Dieu chrétien paraît bien impuissant à apporter des réponses mais se rassembler à l’église avec des gens provoque un sentiment de réconfort chez Lilianne.

En une partie presque annexe du roman, DeLillo décrit succinctement le parcours des terroristes, Hammad et Amir, depuis leur cellule dormante en Allemagne jusqu’à la mise en pratique de l’attentat sur le sol américain.

L’histoire personnelle des terroristes n’est pas le thème du roman, seule compte leur détermination et le résultat de leur action.

Le livre, d’une construction atypique, se boucle sur lui même à la fin, apportant les éclaircissements nécessaires à la compréhension de l’ensemble.

On comprend alors pourquoi Keith décide de changer de mode de vie et de se lancer dans une carrière de joueur de poker, jeu qui n’était qu’un simple hobby avant les attentats.

On ressort de la lecture de « L’Homme qui tombe » comme après une visite dans un hôpital, passablement mal à l’aise et pas tellement réjoui.

Je n’ai pas réussi à être ému ou a ressentir de l’empathie pour les personnages, sans doute en raison du style volontairement froid et clinique adopté.

DeLillo décrit des individus victimes d’un événement trop grand pour eux, en état de choc, en souffrance et peinant à se reconstruire.

Je pense que c’est le problème du 11 Septembre, que l’esprit humain ne soit pas adapté à réaliser et à comprendre un tel événement.

La différence avec une catastrophe naturelle est elle si flagrante ?

Les victimes de tsunami, séismes ou même d’ouragan comme Katrina n’ont pas droit à autant de livres, sans doute en raison de leur statut de catastrophe naturelle mais les effets sont à mon avis similaires sur les victimes.

La seule différence c’est que le terrorisme a toujours fasciné et fascinera toujours.

D’un autre coté je pense que survivre à ce type d’événement peut également avoir  quelques fois des effets salutaires, en donnant une occasion d’ouvrir les yeux sur la fragilité et la brièveté de l’existence, de se rapprocher des autres voir de retrouver le sens des priorités, un peu à la manière d’un François Xavier Demaison, ex banquier à Wall Street qui a décidé de vivre sa vraie passion pour les planches après l’attentat.

« L’Homme qui tombe » est un livre intéressant dans la description de l’impact d’une catastrophe sur une société mais qui ne m’aura pas bouleversé ou emporté.

A offrir à Jean Marie Bigard, Mathieu Kassovitz ou Marion Cotillard, nos plus éminents négationnistes français.

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