Jugulator (Judas Priest)

 



Sept années se sont écoulées depuis « Painkiller » et le départ d’Halford, sept longues années ou Judas Priest a délaissé le devant de la scène, laissant de nouveaux courants musicaux comme le grunge ou le thrash metal prendre le pouvoir dans le monde du rock lourd.

Le trône est donc resté longtemps vacant en l’absence d’un chanteur capable de reprendre le spectre délaissé par le Metal God.

En 1997, alors qu’on le pensait bon pour le musée, le Priest parvient après de longues auditions à trouver la perle rare en la personne d’un jeune américain quasi inconnu : Tim « Ripper » Owens qui officiait dans un groupe local de reprises du Priest.

Bizarrement Etienne « The Voice » Daho ou Alain « The Scream » Chamfort ne sont pas retenus au grand dam de leurs plus ardent supporters.

Le groupe enregistre donc un nouvel album prénommé « Jugulator ».

Ce disque a tout pour être massacré par avance : un nouveau chanteur inconnu ayant la  tache impossible de remplacer une empreinte vocale légendaire et une nouvelle orientation musicale lorgnant vers un thrash-power metal hyper massif comme jamais le groupe n’a pratiqué durant toute sa carrière.

Autant le dire tout de suite, j’adore « Jugulator »  son atmosphère hyper violente futuriste et découvrir Owens a été une révélation pour moi et dieu seul sait o combien je vénère Rob Halford.

« Jugulator » le morceau d’ouverture annonce d’entrée la couleur, nous avons affaire à un impitoyable titan robotisé tueur d'humains, une sorte de mutation monstrueuse du Painkiller !

Tempo lent, guitares accordées très bas, son lourd et grave, accélérations fulgurantes de batterie « blast beats » typiquement thrash ..

Le voix de Ripper Owens, à la fois semblable et différente de celle d’Halford  s’affirme plus puissante, agressive dans les graves et colle parfaitement avec ce type de musique très rentre dedans.

« Blood stained » au refrain efficace est plus rapide, plus varié et met bien en valeur les nombreuses possibilités de variations d’Owens.

« Dead meat » lui est pourtant supérieur avec ses riffs titanesques, son déluge de puissance et ses paroles de totale rébellion clamées avec une force herculéenne.

« Death row » calme (relativement ) le jeu avec son étrange introduction évoquant l’ambiance du couloir de la mort avant une électrocution.

Ce titre plutôt bourrin est heureusement sauvé par un refrain haut en couleur et quelques bruitages de fond plutôt réussis.

« Decapitate » n’est pas désagréable mais patine un peu comme un camion trop chargé au départ d’un kilomètre lancé.

« Burn in Hell » est sans doute l’un des titres les plus marquants de ce disque et pourrait être qualifié de classique si les circonstances avaient été autres.

Il est composé d’une fantastique lente et progressive montée en puissance débouchant sur un refrain faisant figure d’hymne pour ce Priest new look , bref un pur régal ou Ripper Owens déchaîne son incroyable talent comme on dit sur M6.

« Brain dead » a malgré la puissance du thème abordé (la situation d’un accidenté de la route hémiplégique et parfaitement conscient de son sort ) quelques fois du mal à prendre son envol, car cloué au sol par ses riffs surheavy.

« Abductors » plus doux et aérien bien que conservant un son lourd, est plutot intéressant avec son atmosphère oppressante de science fiction  mais  n’est pas non plus extraordinaire pour du Judas Priest.

Alors je dirais que jusqu’alors « Jugulator » pourrait être considéré comme un album correct voir poussif par un instant mais les deux derniers morceaux viennent subitement changer la donne et se révéler exceptionnels.

« Bullet train » est en réalité une sorte de perfection métallique moderne, l’un des morceaux que j’ai le plus écouté dans ma vie comme ci après quelques tâtonnements quelques fois maladroits Judas Priest finissait enfin par toucher juste et à produire des merveilles.

Ce titre d’anthologie commence par de brefs bruitages de gare auxquels succède un cri de guerre suraigu  annonçant un riff impérial, insolent lancé à la face du monde.

Couplets écrasants, refrains aériens en escalade vocale permanente alternent aigus transperçant et retour à terre virils... avant qu’un break judicieux et un Ripper en état de grâce expédient ce train d’enfer dans les strates de l’espace infini.

« Cathédral Spires » énorme pièce  de plus de 9 minutes portées par des chœurs dantesques et un Ripper Owens transfiguré est un chef d’œuvre épique, violent et beau et tragique comme une tragédie grecque.

En conclusion, « Jugulator » est l’album le plus extrême et le plus éloigné du style de base de Judas Priest.

Souvent détesté pour son manque de mélodie et sa brutalité quelque peu primaire, il recèle pourtant quelques trésors incroyables pour un peu qu’on apprécie le style un peu « dur » du thrash des années 90.

Par ce disque Judas Priest, tel un ancien Dieu emprisonné dans les glaces  réveillé par mégarde, refait brutalement surface et satisfait son courroux en proposant la musique la plus violente, la plus brutale et moderne qu’il ait jamais produit.

Quant à Ripper Owens, c’est pour moi la révélation de ce disque avec une voix prodigieuse même si mise ici souvent à profit sur des sons peu mélodiques.

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