Addiction générale (Isabelle Sorente)

Sorti en 2011, « Addiction générale » est un essai d'Isabelle Sorente sur l'évolution de notre société.

Cet ouvrage se veut comme un électrochoc pour nous ouvrir les yeux sur l'addiction de nos contemporains pour le calcul, les chiffres, les données.

Ces éléments sont en effet les artefacts de notre obsession pour la performance et le contrôle, avec la tendance à considérer le fonctionnement de l'homme comme celui d'une machine.

Hors cette fascination pour une machine parfaite, effectuant docilement sans relâche les taches qui lui sont attribuées conduit pour l'auteur à notre déshumanisation la plus complète.

La déshumanisation apportée par le culte voué au calcul n'est pas qu'une question philosophique, elle revêt aussi un aspect social important, puisque les personnes incapable de « fonctionner » correctement selon le modèle de la machine, sont exclus et en subissent les conséquences : perte d'emploi, maladies et quelque fois suicide.

En réalité peu de gens échappent à cette nouvelle norme sociale : les débordements de la jeunesse ne sont plus tolérées, l'expérience de la vieillesse négligée et même les écosystèmes dans lesquels nous vivons sont considérés comme des outils de production/rentabilité.

Comme toutes les addictions, celle-ci contient un aspect confortable : se concentrer sur les chiffres permet de ne pas « réfléchir » à d'autres sujets plus complexes, peu quantifiables et potentiellement anxiogènes.

Abruti de chiffres et de calcul, l'homme moderne confie sa vie à des logiciels et se laisse guider par les GPS embarqués sans penser une seule seconde pouvoir s'en passer.

L'élément le plus marquant pour Sorente est la perte de la compassion. Pourtant la compassion pourrait être le remède au mal.

La compassion est la capacité à éprouver ce qu'éprouve l'autre. Elle implique de se fier à ses émotions et non à sa logique.

Le traitement des animaux revient souvent dans le livre, avec leur massacre industrialisé qui laisse finalement l'ensemble de la société plutot indifférent.

A plus grande échelle, la disparition des espèces animales et végétales ne provoque pas beaucoup plus d'émois, le diktat de le rentabilité économique restant dominant.

Ce fonctionnement à court terme ne peut que nous conduire à notre perte, car quand l’être humain aura fini de dévaster son environnement, il s'éteindra de la même manière.

Sorente préconise donc la voie de la compassion et de se dévouer pour les autres : les plus fragiles, les « petites gens » qui ne « pèsent » rien dans au regard de cette nouvelle norme.

Ceci permettrait de recouvrer notre humanité et de nous délivrer du carcan de cette addiction absurde qui nous ne nous apportera ni bonheur ni salut.

En conclusion, « Addiction générale » est un livre brillant mais assez difficile d'accès car flirtant avec la philosophie.

Sorente met le doigt sur la faille majeure de notre société qui s'est laissée envahir par le culte de la performance résultat d'un capitalisme financier sans limite, violant allégrement les lois de la nature.

L'homme moderne vit donc comme anesthésié dans un monde confortable mais irréel, sans même se rendre compte que la technologie l'a asservie et qu'il y a perdu de son âme.

Pour se réveiller, nul besoin d'attendre la mise au rebut ou la maladie grave, développer sa compassion pour son prochain ou pour les autres espèces vivantes, serait la solution.

Cette voie, emplie de sobriété et de don de soi, semble pour l'instant réservée aux plus lucides et courageux, mais serait être le prix à payer pour la guérison.

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