Le grand silence (Robert Silverberg)

Publié en 1999, « Le grand silence » est le premier roman de Robert Silverberg que j’ai lu de ma vie.

Le célèbre auteur américain a été souvent malmené dans ses colonnes, mais jeune lecteur au début des années 2000 j’appréciais à l’époque son œuvre.

« Le grand silence » propose dans un futur proche ou les implants ont remplacé les téléphones, la trame ultra classique d’une invasion d’extra-terrestres appelés les Entités, qui sans crier gare ou donner une quelconque raison de leurs motivations, débarquent un beau jour sur Terre à bord d’immenses et étranges vaisseaux qui provoquent de vastes incendies.

Bien entendu une vague de panique mais également de curiosité ne tarde pas à accompagner la venue de ces Entités, ressemblant à d’immenses pieuvres à la peau parcourue de taches multicolores variant suivant les conditions extérieures.

Silverberg fait vivre l’invasion au travers d’une famille américaine de Los Angeles, les Carmichael, dirigée par un ex colonel de l’armée américaine, vivant dans un ranch reculé sur les hauteurs californiennes.

Ayant démontré ses compétences lors de la guerre du Viêt-Nam, le Colonel est rapidement contacté par le instances militaires et politiques du pays afin de réfléchir à la meilleur stratégie à adopter face aux envahisseurs mais se trouve personnellement touché lorsque sa belle fille Cindy, aux tendances hippies, embarque volontairement dans le vaisseau alien dans l’espoir de découvrir un monde meilleur.

Le Colonel est particulièrement marqué lorsqu’il apprend que son fils Michael, pilote de canadair volontaire, s’est tué en tentant d’éteindre un des feux, peu après avoir encaissé le refus de Cindy de revenir sur Terre.

Malgré leur refus de communiquer directement avec les hommes, les Entités établissent peu à peu une domination sur les humains, en coupant sélectivement l’énergie électrique, ce qui met hors service tous les systèmes évolués et fait instantanément régresser l’humanité.

Trop supérieurs technologiquement, les Entités semblent invulnérables à toute attaque directe et amènent par un contrôle mental appelé la Pression, les humains à accomplir pour eux des basses besognes de construction comme l’édification d’un mur gigantesque autour de Los Angeles.

En face, la résistance désorganisée tente de communiquer via des réseaux de pirates informatiques collectant péniblement quelques bribes d’informations sur les Entités.

Après la tentative désespérée d’une frappe via un satellite militaire, la riposte de Entités est terrible et entraine une grande pandémie qui réduit de moitié la population de la Terre.

De manière inexplicable, le ranch des Carmichael échappe au contrôle des Entités et devient une sorte de havre de paix et de résistance dans un monde sombrant dans la déliquescence.

La famille se resserre autour du vieux chef de clan, vivant en autarcie et se reproduisant de génération en génération.

Son fils Anson prend le relais mais souffre terriblement ne pas parvenir à trouver un véritable moyen de combattre efficacement les invincibles monstres qui gouvernent la Terre.

Ronnie, le rebelle fort en gueule, découvre l’amour au ranch et épouse les idéaux de la famille.

Tandis que certains humains comme le génial pirate informatique tchèque Borgmann, choisissent par individualisme ou désir de revanche de mettre leurs compétences au services des Entités, en intégrant le corps de Quisling, police chargé d’assoir leur domination, les mystères de l’évolution font que en Angleterre nait le jour de Noel, un métisse anglo-pakistanais nommé Khalid Burke.

Chahuté par une enfance difficile, Khalid qui n’a jamais connu sa mère et doit subir les violences de son père, une brute Quisling faisant vivre un enfer à sa famille, apprend à se détacher de l’existence en se construisant un masque d’impassibilité.

Un soir pourtant que son père est allé trop loin, Khalid décide de se venger en lui dérobant un prototype d’un fusil à balles explosives, lui-même pris à un réseau terroriste.

Incapable d’éprouver la moindre pensée négative contre des créatures dont il admire la beauté, Khalid parvient à passer au travers des capacités de détection télépathiques des Entités et en tue une.

Le père de Khalid est alors comme sa famille déporté.

Le jeune homme survit pourtant et bénéficie de l’aide de Cindy, Quisling de 60 ans, qui déçue par son contact avec les Entités, fugue avec lui vers les Etats-Unis.

Le couple improvisé trouve refuge dans le ranch des Carmichael et Khalid contribue à renouveler la dynastie en ayant un fils Rachid avec une des femmes.

Lorsque la famille découvre que Khalid a réussi à tuer une des entités, la décision est prise de former deux enfants Rachid et Tony pour les rendre capables d’accomplir des actes identiques.

Mais trop pressés et mal préparés, les Carmichael bâclent la première opération, ce qui provoque la mort de Tony.

Le cycle des vie et des morts suit son cours, Anson et Ronnie meurent avec un fort sentiment d’échec, tandis que leur fils Andy, génie de l’informatique atypique au sein de la famille, prend la décision de quitter le clan pour devenir Rectificateur, sorte de nouveau délinquant informatique piratant les systèmes afin d’arranger quelques situations contre rétribution.

Ce sera pourtant lui qui sera l’élément déterminant du puzzle, après qu’il eut été capturé par les Entités et mis à mal une partie de leur système informatique réputé inviolable.

Andy est en effet le seul à être capable de décrypter les archives de Borgmann, tué par une jeune suédoise abusée sexuellement et détenteur des bases de données les plus étendues et exactes sur les Entités.

Après une lutte épique dans le cyber espace, le génie parvient à localiser à Los Angeles, l’Entité appelée numéro Un, ce qui permet aux Carmichael d’échafauder un plan d’assassinat ciblé destiné à provoquer la mort en chaine des autres Entités prétendument reliées par télépathie.

Aidé par Andy, Khalid est alors le seul à avoir en lui la capacité de pénétrer les défenses informatiques et télépathiques des monstres, et réussit sa mission.

L’effet escompté n’est cependant pas la mort en chaine des autres monstres, mais plutôt aboutit à un bombardement du ranch et la mort d’une bonne partie du clan.

Un jour pourtant, les Entités quittent la Terre pour des raisons aussi mystérieuses que celles de leur venue.

Après plus de cinquante années d’occupation, les réactions sont mitigées, avec un mélange de joie, d’incrédulité mais aussi de tristesse car la plupart des gens s’étaient résignés à vivre sous le joug de ces créatures prétendument divines.

Les survivants de Carmichael décident donc de commencer par abattre le mur de Los Angeles avant de rebattre un monde ou la notion de liberté serait centrale.

En conclusion, « Le grand silence » est un long roman inégal, très inférieur à « La guerre des mondes » mais demeure globalement réussi.

Comme reproches principaux reproches on sera agacée par la vision americano voir californio centrée de Silverberg, la négation quasi-totale du globe terrestre, réduit à l’Angleterre et à quelques courts passages Praguois ainsi que par la conclusion d’une grande faiblesse avec un retour au monde initial sans réelle évolution de l’humanité.

Les longues descriptions de cette famille de militaires blonds et athlétiques vivant en régime autarcique new age sont également sans intérêt tout comme les relations sommaires esquissées entre ses membres.

Si la description des monstres n’apporte pas non plus de grande originalité, le roman bien construit, contient des passages bien intéressants, notamment dans ses parties scientifiques, dans la description d’un système de collaborateurs se rangeant par faiblesse ou intérêt du coté des envahisseurs, ou dans ses superbes duels d’informaticiens.

Deux personnages émergent nettement, le hacker Andy et le mystérieux métisse musulman Khalid, sorte de messie zen apportant par son détachement absolu la clé de la lutte anti-alien.
Porté par l’imagination de Silverberg et sa science de la narration, on passe donc un agréable moment, tout en reconnaissant les nombreuses lacunes du roman.

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