Du rêve pour les oufs (Faïza Guène)

On change radicalement de registre avec « Du rêve pour les oufs » second roman de la jeune Faïza Guène, nouvelle révélation de la littérature moderne.
Sorti en 2006, « Du rêve pour les oufs » raconte l’histoire d’Alhème une jeune femme de vingt quatre ans, algérienne de naissance, venue en France durant l’enfance après la mort de sa mère, tuée pendant un massacre durant la guerre civile des années 90.
Alhème vit dans une cité à Ivry-sur-Seine avec son père qu’elle surnomme le Patron, très abimé par des années de labeur harassant de le bâtiment conclues par une mauvaise chute et son jeune frère Foued, agé de seize ans.
Sans diplôme et un peu perdue dans l’existence, Alhème survit plus qu’elle ne vit de petits boulots précaires et d’aides sociales.
Elle nourrit des sentiments complexes vis-à-vis de la France, se sentant décalée de part sa culture, complexée par sa situation dans les couches sociales les plus basses mais n’ayant aucune envie de revenir dans un pays qu’elle a quitté dans des circonstances dramatiques et dans lequel elle n’est pas retourné depuis dix ans.
Alhème est déçue également des hommes, que ce soient cas sociaux que lui présentent ses deux meilleures copines Linda et Nawel ou les rencontres éphémères de beaux parleurs.
Elle tombe néanmoins sous le charme de Tomislav, un blond yougoslave rencontré dans une file d’attente de la préfecture pour renouveler sa précieuse carte de séjour.
L’homme, un musicien marginal l’a séduit par ses yeux bleus, son attitude et quelques paroles bien tournées.
Alhème se sent amoureuse et veut y croire.
Ce sentiment la porte et lui permet d’oublier quelque peu les problèmes du quotidien notamment de Foued, qui commence à cause des mauvaises fréquentations du quartier à entrer dans une bande, se battre et faire du recel : dvd, manteaux et sacs.
Se sentant responsable de son frère en l’absence de sa Mère et les problèmes de santé de son Père, Alhème va courageusement s’adresser aux supérieurs de Foued, des jeunes hommes de vingt ans dont un par chance, la reconnait comme un ex flirt.
Le jeune homme un certain Didier devenu dans la rue Cafard, lui fait la faveur d’intervenir et obtient l’autorisation pour que Foued sorte de la bande, une fois qu’Alhème leur restitue le matériel qui lui était confié.
Foued est maintenant provisoirement sauvé du pire, même si ne rêvant que de football, il demeure inadapté pour le système scolaire classique.
Coté cœur, la disparition de Tomislav est vécue comme un drame de cœur (un de plus) et Alhème est consolée par ses amies, qui lui trouvent au moins un travail comme vendeuse de chaussures dans le XX ième arrondissement de Paris. La famille saisit une ultime occasion pour revenir au bled, dans une zone reculée près d’Oran.
Les retrouvailles avec les tantes, oncles, cousins et cousines sous le soleil sont émouvantes et riches en émotions.
Foued qui parle mal l’arabe, découvre un monde plus dur, fait de courage, misère, simplicité et débrouille.
Alhème compte beaucoup sur ce voyage pour inculquer d’autres valeurs que l’argent facile et la criminalité à son jeune frère.
A son retour, la jeune femme qui a compris que Tomislav avait été victime d’une rafle des fonctionnaires zélés de Sarkozy pour se faire reconduire dans son pays, profite d’une tranquillité relative pour oublier ses soucis, sortir en boite et flirter avec un garçon brésilien qui la dépose au petit matin à la Préfecture, bouclant ainsi la boucle.
En conclusion,habillé de sa couverture ridicule, « Du rêve pour les oufs » est une œuvre mineure, naïve et simple d’une jeune femme couchant son cœur sur le papier.
Largement autobiographique, il révèle une auteur en souffrance, partagée entre deux pays, deux cultures et ne se sentant bien dans aucune d’entre elles.
Du bout des lèvres, tout en pestant contre les imperfections et lourdeur du système français, reconnait elle qu’un retour en Algérie serait à présent impossible, la vie en France l’ayant déjà trop imprégnée.
L’humour est certes présent mais surtout une grande douleur intérieure contre une vie plus subie que choisie.
Avec un roman social sensible mais peu original, un style finalement assez pauvre, mélangeant français correct et langage parlé parsemé d’expression du monde des cités, le succès de Gène reste pour moi très surprenant.
Si « Du rêve pour les oufs » se lit aisément, il demeure à des années lumières d’un chef d’œuvre.

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