La belle image (Marcel Aymé)

En 1941 Marcel Aymé publie une belle série dont « La vouivre » et « La belle image » dont il est question ici.

L’histoire de « La belle image » pourrait évoquer un cauchemar à la Kafka puisqu’un jour qu‘il se rend dans une administration, un modeste homme d’affaires parisien appelé Raoul Cerusier voit son visage changer d’aspect et les employés lui refuser ses papiers.

Passé le choc initial, Cérusier s’aperçoit que la transformation est à son avantage : il est plus jeune d’une dizaine d’années et surtout beaucoup plus beau.

Mais toute sa vie sociale s’effondre, il n’ose plus revoir sa femme Renée et ses deux enfants, et passe en coup de vent à son bureau pour annoncer qu’il part trois semaines en Roumanie pour un voyage d’affaires.

En réalité, Cérusier se terre dans un petit appartement de Montmartre, non loin de son foyer familial.


Il est tenté de refaire sa vie, de profiter de son nouveau pouvoir de séduction pour coucher avec des jeunes femmes comme la mystérieuse Sarrasine belle inconnue qui ne l’avait jusqu’alors jamais remarqué en raison de son physique banal.

Mais après de multiples hésitations il se ravise et décide de séduire sa propre femme Renée une fois qu’elle se sentira bien abandonnée par son mari.

Le seul au courant de sa mésaventure et de ses plans est l’oncle Antonin, un vieil homme au cœur pur et naïf, passionné de mécanique automobile.

Commence alors un jeu malsain ou Cérusier se faisant appelé Roland Colbert va approcher progressivement sa femme pour voir son comportement face à un amant potentiel.

A sa grande surprise, Renée va non seulement succomber à son charme mais également lui faire des confidences désagréables sur son mari qu’elle estime lourd et incapable de la satisfaire sexuellement.

Mais Raoul vit mal cet écartèlement entre son physique et son psychisme.

Il souffre également des soupçons de son ami Julien Gauthier qui ne croit pas à cette histoire de transformation et le soupçonne d’avoir fait assassiner son ami Raoul afin de prendre sa place.

Déchiré, mal à l’aise, Cérusier va prendre un malin plaisir à faire souffrir sa femme et meme sa secrétaire Lucienne, belle femme avec qui il eut jadis une courte aventure sans lendemain.

Puis le cauchemar va prendre fin aussi rapidement qu’il était venu et Cérusier ayant retrouvé son apparence originelle, va se réintégrer à son ancienne vie.
Le fait qu’il sache ce que les gens pensent réellement de lui ou que sa femme ait eu un amant va tout d’abord le déstabiliser, lui donner des velléités de fuite, mais inéluctablement encastré dans son ancienne existence il n’en aura pas au final la force.

En conclusion, « La belle image » est un très bel exercice de style révélant une des facettes les plus surnaturelles de l’œuvre de Marcel Aymé.

L’histoire de Cérusier est un fantasme assez commun des hommes qui aimeraient changer de physique ou de personnalité, tout plaquer pour une nouvelle vie aventureuse et aussi savoir ce que leurs proches pensent en réalité d’eux.

Aymé réussit formidablement bien l’exercice en emmenant le lecteur dans un univers chaotique et torturé ou le mari se fait passer pour l’amant afin de tester la fidélité de sa femme.

Bien entendu le processus est souvent douloureux, cruel et malsain.

Mais le plus important au final ou le plus décevant est que Cérusier est un lâche qui renonce à tous ses projets par faiblesse et confort, préférant reprendre le train train de sa vie ordinaire sans réellement être allé au bout des ses désirs.

En ce sens, le héros de « La belle image » se montre profondément humain et semblable à nous même.

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