La peste (Albert Camus)

Lire Sartre m’a redonné envie de relire « La peste » d’Albert Camus que j’avais lue dans ma jeunesse dans le cadre de lectures imposées à l’école mais dont je n’avais pas retenu grand chose si ce n’est l’atrocité de son contexte.
« La peste » raconte l’histoire cauchemardesque de la résurgence de cette maladie qu’on pensait éradiquée dans la ville d’Oran, alors faisant partie de l’Algérie française.
Oran est décrite comme une ville portuaire dynamique dont la principale activité est le commerce maritime, ou il règne une chaleur accablante la journée et ou les gens sortent la nuit dans les cinéma ou discuter tard dans les cafés.
La  soudaine recrudescence de rats agonisants venant mourir par dizaines puis par centaines et par milliers aux pieds des hommes n’inquiètent que modérément les pouvoirs publics et la population qui ne voient au début qu’une gêne de courte durée.
Mais cette mystérieuse épidémie vient ensuite frapper les hommes eux mêmes, qui meurent sous l’effet de fortes fièvres, le corps vidé et couvert de ganglions purulents.
Malgré l’incrédulité des populations et des autorités, il faut pourtant se rentre à l’évidence, le mal dont souffre Oran est bel est bien la peste.
La richesse du roman de Camus tient en premier lieu à sa remarquable construction avec l’instauration progressive d’une menace qui met longtemps à se préciser, puis en second lieu à la finesse de  l’approche psychologique des personnages pris dans cette tourmente.
Le héros principal est le docteur Rieux, jeune médecin courageux, dévoué, anti clérical et altruiste qui lutte de toutes ses forces contre la maladie.
Son ami Tarrou est plutôt déroutant.
Camus le décrit comme le chroniqueur de cette histoire et dit tenir son récit de ses notes.
Tarrou est un idéaliste, un fils de procureur révolté contre l’injustice.
Aux cotés de ses deux figures principales on retrouve une galerie de personnages secondaires comme Rambert un jeune journaliste parisien qui s’ingénie pendant la plupart du roman à fuir la ville pour retrouver son amie mais qui finalement y renonce pour se joindre à la lutte aux cotés de Rieux, Grand, modeste fonctionnaire obsédé par la littérature sans avoir le talent pour écrire, Cottard, mystérieux intriguant profitant de la situation pour faire du marché noir et surtout le Père Paneloux, prêtre à l’élocution redoutable représentant pour Camus la puissance de la religion chrétienne.
Rapidement l’épidémie prend des proportions terribles, les hommes meurent pas centaines dans d’atroces souffrances, la ville se trouve coupée du monde, les marchandises se raréfient, le chômage augmente, le marché noir se développe, les gens se terrent chez eux, d’autres cherchent à fuir par tous les moyens.
La médecine paraissant impuissante à juguler ce terrible fléau, la religion tente sous les traits du Père Paneloux de reprendre son influence sur des populations qu’elle estime toujours coupables par leurs péchés d’avoir provoquer ce terrible châtiment.
Les divergences de positions entre Rieux et Paneloux qui luttent pourtant tous les deux pour l’Homme sont passionnantes.
L’effondrement moral puis la  mort  de ce dernier après avoir assisté à la longue agonie d’un enfant innocent peut être vue comme une érosion de la puissance de la foi devant l’inhumanité de certaines situations insupportables.
Toute la force du roman de Camus s’exprime lorsque l’épidémie s’arrête aussi mystérieusement qu’elle a démarré avec sans doute des conditions climatiques moins favorables à sa propagation, laissant une ville exsangue et traumatisée mais néanmoins capable de célébrer sa "libération".
La mort de Tarrou, emporté avec le flot des dernières victimes est le moment le plus émouvant du livre.
« La peste » est un roman effrayant et d’une force inouïe.
Bien sur, il existe un deuxième niveau de lecture, la maladie étant une métaphore du nazisme, appelé aussi « peste brune » qui vient de  ravager le monde et en particulier la France au moment ou Camus écrit ce livre mais je préfère voir ce livre comme une remarquable étude sociale, psychologique et philosophique de l’être humain face à des fléaux qui dépassent sa mesure et contre lesquels il ne peut rien faire d'autre que se battre ou se résigner.
La conclusion de Camus semble plutôt optimiste avec la foi non pas en la religion mais en l’homme, majoritairement bon et capable de se révéler altruiste au plus fort de la tourmente.
Aujourd’hui notre monde hyper médiatisé fait que des maladies comme la grippe ou le Covid qui auront fait un nombre relativement faibles victimes sont capables de provoquer une panique mondiale.
On pourrait alors se demander alors ce qui arriverait si un véritable fléau aussi redoutable que la peste (qui a décimé des millions de personnes au Moyen Age) refaisait son apparition.
Sans doute aiguillonné par des média, le monde basculerait il dans la folie et l’anarchie la plus complète et certaines industries essaieraient de saisir l’occasion pour en profiter.
Je ne suis pas sur que comme Camus, l’altruisme soit encore une valeur très répandue  au XXIéme siècle …

Commentaires

  1. Aujourd'hui, nous avons un traitement contre la peste !

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  2. J'ai étudié des passages au lycée, mais en fait je ne pense pas avoir lu l'oeuvre en entier ! Il faut que j'y remédie, et en plus, c'est d'actualité ;)

    Encrée Voyages

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