La vouivre (Marcel Aymé)

« La Vouivre » de Marcel Aymé constitue l’un des mes romans favoris tous styles confondus.

Ce roman publié en 1941 prend place à l’instar de « La jument verte » dans le milieu rural du Jura de l’entre deux guerres, avec comme toile de fond une forte rivalité entre deux familles voisines les Muselier et les Mindeur habitant le village de Vaux le Devers.

Le personnage principal est Arsène, jeune cadet de la famille Muselier mais pourtant mâle dominant de la famille depuis la mort du père.

Intelligent, travailleur et ambitieux, Arsène a pris l’ascendant sur son frère ainé Victor plus faible et timoré.

Bien que désireux de se marier avec la fille du maire Voiturier afin de grimper socialement, Arsène a pourtant un faible pour Belette la fille de son domestique Urbain qu’il connait depuis son plus jeune âge.

Belette est une femme menue et fragile, issue d’une famille ravagée par la misère et la violence.

Son tempérament vivant et passionné ont séduit Arsène qu’il la protège et l’aime.

Les ennemis naturels du jeune hommes sont Armand, le fils ainé des Mindeur avec qui il entretient une vieille haine issue d’une rixe d’adolescents et Breuillat, parvenu du village désireux lui aussi d’épouser la fille Voiturier afin de pouvoir vivre confortablement à la ville.

Pour épicer le tout, Juliette la fille des Mindeur est attirée par le bel Arsène, ce qui a pour effet de déchainer les passions entre les deux clans.

Le dernier personnage truculent de ce formidable tableau naturaliste est Germaine Mindeur, véritable force de la nature, assoiffée de sexe et dévoreuse d’hommes qu’elle consomme les uns après les autres avec un appétit insatiable.

A partir de ces ingrédients, Aymé aurait pu déjà écrire un bon voir très bon roman de drame rural, pourtant il va introduire en plus une dimension fantastique en faisant apparaitre un personnage légendaire issu du folklore jurassien, la Vouivre.

La Vouivre est une sorte de divinité éternelle plus ancienne que le Christ, revêtant les traits d’une jeune et belle femme brune vivant dans les forets et se baignant régulièrement dans les étangs.

Cette créature possède un magnifique rubis ornant son front dont elle se débarrasse pour prendre ses bains.

Le rubis a souvent été l’objet de convoitise parmi les passants mais à chaque tentative de vol, les serpents de la foret se ruent sur le voleur et le tuent.

La Vouivre à en effet le pouvoir de commander au serpents à l’aide d’un petit sifflet.

Arsène est le premier à rencontrer la créature au détour d’une foret.

A sa grande surprise, elle tente de le séduire.

Profondément troublé par cette rencontre, il garde son secret pour lui mais comme tous les hommes demeure fasciné par cette femme.

Pourtant Arsène montre sa force de caractère peu commune en repoussant les avances de la belle ce qui entretient une sorte de fragile équilibre des forces entre eux.

Mais rapidement, les témoignages attestant de la présence de la Vouivre près du village affluent, ce qui provoque l’inquiétude du Maire et une agitation du curé qui voit la l’occasion de reconquérir un peu de son pouvoir d’antan.

Persuadé de l’influence des forces diaboliques, le curé va tout faire pour organiser une procession afin de conjurer le diable et surtout de ramener vers les chemins de son église davantage de fidèles.

Puis les événements prennent une tournure dramatique, Breuillat manipulé par Arsène qui souhaite évincer son rival, est tué en tentant de dérober le rubis de la Vouivre et la famille Muselier vole en éclat lorsque Arsène découvre que son frère Victor a une liaison avec Belette.

La conséquence est le renvoi de Belette à la rue, mais celle-ci désespérée d’avoir perdu Arsène se suicide en tentant de voler la Vouivre ce qui provoque une réaction désespérée de l’ex amant qui vient mourir en défendant sa protégée contre les serpents …

En conclusion, « La Vouivre » est un pur chef d’œuvre digne d’un conte intemporel.

L’histoire est passionnante, superbement écrite avec l’arrivée d’une créature surnaturelle qui vient bouleverser l’univers rural d’un petit village agité de passions.

On trouve tout le génie de Marcel Aymé, dans l’expression des personnages féminins dangereux et sensuels.

La Vouivre incarne une sorte de femme fatale, une divinité naturelle et immortelle se plaçant au dessus des hommes qui ne sont que des insectes suivant son échelle de temps.

Plus puissante que la religion chrétienne, elle aiguise les esprits en raison de sa richesse présumée et fait commettre des folies aux plus ambitieux ou désespérés.

Mais la force du roman est également toutes ses personnages secondaires tel le fossoyeur Requiem hanté par son ex compagne la Robidet, ses multiples sous intrigues, ces diaboliques triangles amoureux autour d’Arsène, avec la rivalité à vif autour de la fille Mindeur, le mariage d’intérêt avec la fille Voiturier avant que la pauvre Belette qui finalement n’a rien de plus à offrir que la pureté maladroite des ses sentiments ne vienne ravir le cœur du bel Arsène.

Alors qu’on encense régulièrement les auteurs  à la mode auteur de techno thriller et autre polars à base d’anciens nazis et de tueurs en série, il me parait de bon ton de rappeler que le génie peut aussi habiter d’anciens auteurs comme le français Marcel Aymé merveilleux conteur de sa région d’origine.

Une seule envie donc après avoir lu le livre culte, repartir en vacances dans le Jura ou découvrir l’adaptation cinématographique de George Wilson !

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