Le cœur des vivants (Bernard Clavel)

Tout se suit dans l’œuvre de Bernard Clavel et « Le cœur des vivants » voit le jour en 1964.
On y retrouve le Jurassien Julien Dubois affecté au début de la Seconde guerre mondiale à Castres dans un poste de surveillance de la DCA.
Flanqué de son ami savoyard Francis Carento, Julien découvre à Castre une planque parfaite ou une poignée d’hommes se la coule douce dans une mission de surveillance passive loin de contraintes militaires strictes.
Il fait rapidement la connaissance de Riter, un Parisien à l’âme de poète torturé grand amateur de théâtre et de littérature.
Riter qui a un fâcheux penchant pour la boisson, fait découvrir les plaisirs de la ville à Julien, qui y fait la connaissance de Sylvie Garuel, une jolie et jeune brune fille de bonne famille.
Les deux jeunes flirtent avec un naturel désarmant mais leur rendez vous restent clandestin, Sylvie étant destiné au fils d’un industriel local une fois la guerre finie.
Une parenthèse à cette intense passion a lieu avec la permission de Julien qui lui permet de retrouver sa famille restée à Lons-le-Saulnier.
Malgré une plaisante aventure avec Odette une petite serveuse de Fébruans rencontré à une noce, le séjour de Julien en Franche Comté est agité de plus sombres pensées comme le récit de la mort de son ex chef Pâtissier de Dole, André Voisin, homme fort et généreux, tué par les Allemands alors qu’il cherchait simplement à rejoindre à vélo le village ou se trouvait sa femme.
Ces méditations rejoignent le souvenir de la mort de son oncle chéri, Pierre Dantin, puis la vie reprend inexorablement ses droits et avec elle les retrouvailles avec Sylvie.
En 1940, la défaite de l'armée française vient changer le cours de la guerre et donner des idées de désertion aux isolés du poste de D.C.A.
Imitant l’exemple de Berthier passé avec succès en Espagne, Julien et Francis tentent leur chance en marchant en pleine nuit dans la Montagne Noire.
Peu à l’aise dans une nature hostile délivrant de terribles orages, les deux garçons se perdent dans la nuit et Francis, épuisé et malade, ne doit son salut qu’à l’arrivée d’un vieux bucheron qui leur prête assistance.
Après avoir remis sur pied Francis, le vieux par ailleurs vétéran de 1914-1918, les remet sur le droit chemin.
Mais malgré l’aide du vieil homme, la progression reste difficile et Francis atteint d’un mystérieuse hémorragie, finit par périr dans les bras de son ami paniqué de ne pouvoir lui venir en aide.
Julien est repris par les gendarmes français et bénéficiant de la complicité d’un capitaine, peut s’évader et rejoindre dans la clandestinité son poste de DCA dans l’attente de la démobilisation.
Même si Julien peut encore revoir Sylvie et vivre un instant d’amour magique en pleine nature, la situation se gâche subitement à l’annonce de la grossesse de la jeune fille.
Face au scandale public, Sylvie fait marche arrière et rompt brutalement avec Julien qui le cœur déchiré de chagrin la regarde un dernière fois filer devant lui en vélo.
En conclusion, après la déception de « Celui qui voulait voir la mer », « Le cœur des vivants » rétablit l’ordre des choses et présente une histoire prenante ou un jeune Jurassien traverse toute la Seconde guerre mondiale sans tirer un coup de feu, découvrant l’amour passionnel dans une ville du Sud mais comprenant aussi la terrible valeur de la vie au travers des drames de la mort de son ancien chef, de son meilleur ami ou de celle curieuse du mari d’une amante de passage.
Profond, douloureux et riche, « Le cœur des vivants » séduit autant sur le fond que sur la forme et donne une puissante envie de terminer le cycle de « La grande patience ».

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