Pierre et Jean (Guy de Maupassant)

J’avais déjà été très impressionné par « Bel ami » de Guy de Maupassant et c’est donc fort logiquement que je me suis rué sur « Pierre et Jean », quatrième roman de l’écrivain paru en 1887.

Court ouvrage naturaliste régulièrement étudié dans les lycées, « Pierre et Jean » raconte l’histoire de deux frères du Havre au physique et au caractères diamétralement opposés.

Alors que Pierre Roland l’ainé, est un jeune homme brun, sec, nerveux au tempérament fougueux et instable, Jean le second est un blond bien en chair, calme effacé et timoré.

Professionnellement Pierre est un médecin sans le sou tâtonnant dans la vie et cherchant à s’établir tandis que Jean vient d’être licencié en droit faisant la fierté de ses parents, Monsieur Roland bijoutier à la retraite passionné de pêche et sa femme Louise.

Déjà en concurrence pour savoir qui épouserait la jeune, belle et riche veuve Madame de Rosémilly, les deux hommes vont s’entre déchirer lorsque la famille Roland va apprendre qu’un ami de la famille appelé Monsieur Maréchal va léguer toute sa fortune à Jean.

Bien entendu, cette manne tombé du ciel va fortement perturber Pierre qui va se torturer l’esprit pour enfin comprendre l’évidence :  Maréchal a été pendant des années l’amant de sa mère et Jean est son fils naturel.

Alors que Jean triomphe en apparence, demandant en mariage Madame de Rosémilly et établissant son cabinet d’avocat dans le bel appartement que convoitait son frère, un intense et cruel jeu psychologique va s’établir entre Pierre et sa mère.

A force d’insinuations fielleuses, Pierre parvient à pousser sa mère à bout et à la faire craquer, la forçant à révéler le terrible secret de sa double vie, ignorée par son stupide mari.

Louise trouve refuge auprès de Jean qu’elle met également dans la confidence.

Le timide jeune homme se trouve à son tour tiraillé par sa conscience mais choisit de garder l’héritage de son père naturel et de tenir à tête à son frère.

Tout le monde est bien entendu très éprouvé par cette affaire et le climat du Havre devient alors étouffant pour la famille Roland.

La seule issue honorable pour tous est le départ de Pierre, devenu le gêneur de cette belle hypocrisie bourgeoise.

Aidé par les relations de Jean, il saisit sa chance en se faisant engager comme médecin sur un paquebot transatlantique préservant les apparences et laissant la place libre à son faux frère.

En conclusion, « Pierre et Jean » est un exceptionnel roman d’un finesse psychologique hors normes.

Maupassant raconte fort bien les déchirements de famille dans le milieu de la bourgeoisie de province du XIX iéme siècle ou la réputation était essentielle.

Si l’adultère et la double vie sont hélas des classiques de la vie, les relations complexes et souvent difficiles entre deux frères dissemblables sont merveilleusement brossées par l’écrivain dans une langue accessible mais d’une puissance inouïe.

Sur le plan de la forme tout est également en place, avec l’ambiance maritime du riche port du Havre devenue trop étouffante pour Pierre rongé par la jalousie et les tourments intérieurs.

Combien de non dits, combien d’histoires troubles, de mensonges et de secrets gardés dans les familles pour la prétendue sauvegarde des apparences ?

Toute cette hypocrisie sociale dans laquelle nous vivons tous avec nos yeux complaisamment fermés pour ne pas être perturbés dans nos fragiles certitudes sans voir la souffrance qu'elle nous occasionne.

Le sujet est en apparence inépuisable et Maupassant a écrit pour moi un des chefs d’œuvres du genre.

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