Sur les chemins noirs (Sylvain Tesson)

En 2016 après avoir perdu sa mère et subi un terrible accident l’ayant défiguré, Sylvain Tesson raconte dans « Sur les chemins noirs » un périple à pieds de la Provence au Cotentin en passant par le Massif central.
Pour ce grand voyageur amoureux de la Russie, revenir sur l’Hexagone est une révolution mais surtout une rédemption pour se prouver qu’il peut encore guérir et vivre au travers de la marche.
Équipé d’une carte de l’IGN au 1/25000ieme, Tesson va donc traquer ce qu’il appelle les « sentiers noirs », ces chemins forestiers serpentant dans l’hyper ruralité qui lui permettent de rester dans une nature encore sauvage loin de l’agitation et de l’uniformisation des villes qui le rebute.
C’est donc un véritable carnet de notes qui nous est livré avec des réflexions sur les ravages des trente glorieuses, pleine période d’expansion économique ayant abouti à la désertification des campagnes et l’industrialisation de l’agriculture dans un objectif d’hyper rentabilité.
Interdit d’alcool, il parvient à composer avec les nouvelles limites physiques de son corps rafistolé et marche jusqu’à 50 km par jour, dormant à la belle étoile ou dans des granges, plus rarement dans des chambres.
Il en tire un immense plaisir qu’il sait faire partager en s’émerveillant des paysages, arides et chahutés en Provence, enchanteurs près des cours d’eaux traversés (Le Var, la Durance, l’Indre, la Loire), luxuriants dans le bocage mayennais et relate plus rarement ses rencontres avec les quelques habitants par nature méfiants sur ce « parisien » à la gueule cassée.
Tout en devant lutter pour contourner les terrains privés, les ronds-points et les routes goudronnées, Tesson accompagné par des proches voyageurs comme lui parvient à ses fins et arrive jusqu’au Cotentin.
Le constat final qu’il pose est pour ce grand nihiliste, plutôt optimiste.
En conclusion, « Sur les chemins noirs » est une plaisante variation française des récits de voyages habituels de Tesson.
On y retrouve son style ciselé, épuré et magnifique, avec un sens très peu commun de la formule qui fait mouche et séduit.
« Sur les chemins noirs » prouve que derrière la façade de civilisation et d’hyper connectivité dans lequel la plupart des hommes occidentaux vivent aujourd’hui, se cache une nature silencieuse, profonde et au final toute puissante.
Tesson montre juste à travers un profond périple de reconstruction physique et mental, qu’il ne tient qu’à nous de les (re)découvrir, et ceci est pour moi magnifique.

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