Toutes les femmes sont fatales (Claude Mauriac)

Détour vers une littérature plus classique avec « Toutes les femmes sont fatales » de Claude Mauriac.

Publié en 1957, ce roman autobiographique est une réflexion sur le parcours amoureux de l’auteur depuis ses plus jeunes années jusqu’à l’âge mur, la quarantaine approchée puis dépassée.

Mauriac situe l’action dans plusieurs lieux (Paris, Rio de Janeiro, New-York) et mêle continuellement présent et passé pour mettre en perspectives ses relations du moment avec ses souvenirs.

Avec pareil procédé narratif, il est donc difficile de suivre le déroulement non linéaire du roman.

L’auteur apparait comme un être instable sentimentalement, un passionné du corps et de la chair, un chasseur et collectionneur compulsif épris de sa propre liberté et incapable d’attachement dans la durée.

Le lecteur se voir donc infligé la longue litanie des conquêtes féminines, avec malgré tout une poignée de femmes qu’on pourrait qualifier de déterminantes dans le roman comme la française Marie-Prune, blonde au visage asiatique que l’auteur a failli épouser, la jolie brésilienne Amelinha rencontrée à Rio avec qui il refusa de s’engager ou encore Leslie, une jeune américaine rousse, qui malgré la fugacité de leur liaison le fit beaucoup souffrir durant une période de sa vie.

Mais en réalité, pas plus Marie-Prune que toutes les autres (Christiane, Pauline, Pascale …) ne semble avoir été réellement en mesure d’attacher l’auteur, hédoniste sans attache fuyant tout forme d’engagement dans la durée.

Bien entendu, Mauriac se place d’un point de vue supérieur, presque métaphysique, en expliquant que en vieillissant il a voulu fuir l’idée de sa mort en poursuivant inlassablement des femmes au physique juvénile.

On comprend donc en effet que derrière le masque du séducteur se cache une véritable angoisse métaphysique avec une conscience aiguë de sa propre fin et du long processus de déchéance.

Cette conscience est ici accentuée par l’ordre de mobilisation générale pour le conflit de la Seconde Guerre Mondiale, que l’auteur assez ironiquement vivra assez paisiblement à Paris loin du choc du front.

En conclusion, malgré un style élégant et soigné bien au dessus de la moyenne, « Toutes les femmes sont fatales » est un ouvrage au final assez décevant.

Avec son télescopage quasi permanent de regrets du passé et d’indécisions du présent, le roman irrite, montrant un homme d’un orgueil insensé,  aussi complaisant avec lui-même qu‘exigeant avec les femmes.

L’érotisme est ici tellement intellectualisé qu’il perd de sa force, reléguant le corps de la femme au rang d’un outil qu’on repose après son utilisation.

On comprend la psychologie du séducteur, du perpétuel insatisfait avide d’une perfection, d’une jeunesse par essence inatteignables.
On comprend également la solitude et la souffrance de ce type d’hommes, plus centrés vers eux-mêmes que sur autrui.

Enfin alors qu’on pourrait s’attendre à rêver avec Rio de Janeiro et New-York, la description de ces villes fait plus part d’une grande déception, les plages de Rio étant au final assez quelconques et l’architecture de New York passablement démodée.

« Toutes les femmes sont fatales » me donne simplement envie de dire à tous ces hommes-paons en quête de prestige, à tous ces théoriciens de l’amour prétendant avoir fait le tour des relations hommes-femmes qu‘ils n‘ont en réalité fait qu‘effleurer, de penser un peu moins à eux et à se tourner vers les autres pour retirer la quintessence véritable de la vie.

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