Alain Delon, ange et voyou (Vincent Quivy)
Paru en 2017, « Alain Delon, ange et voyou » est la biographie de la star écrite par Vincent Quivy.
Ici on aborde sans complaisance de manière chronologique le parcours de celui qui deviendra un symbole national, depuis son enfance à Bourg-la-Reine dans les années 40, dans une famille de charcutiers prospères dont rapidement il ne partage pas les codes petits bourgeois.
De nature rebelle et instable, Delon fuit l’école et s’engage à 16 ans dans la Marine pour partir en Indochine.
Sur place, malgré la légende qu’il s’est fabriquée il ne fait pas la guerre mais vit surtout une vie d’aventures faites de camaraderie et de sorties dans les quartiers chauds de Saigon.
Indiscipliné et individualiste, Delon fait un mauvais soldat et quitte l’armée au bout de quelques mois.
Mais la vie de marin lui permet de faire la connaissance d’une certaine faune du Milieu toulonnais dont le parrain corse Charles Marcantoni, qui deviendra l’un de ses proches.
De retour à Paris, Delon refuse de revenir chez ses parents et confirme son gout pour le monde de la nuit et des mauvais garçons en s’établissant à Pigalle ou il mène une vie de bohème.
Restant à la limite de la voyoucratie qui le fascine, Delon fréquente aussi les lieux branchés de Saint-Germain-des-Prés ou sa gueule d’ange ne tarde pas à le faire remarquer.
Devenu l’amant de l’actrice Brigitte Auber, il tourne dans quelques films et se découvre une vocation.
Sa beauté insolente et son charisme de voyou lui valent d’être pris sous la coupe de l’influent critique de cinéma Georges Baume, qui l’installe chez lui après une rupture spectaculaire avec Auber.
Dans les années 50, Delon tourne, commence à se faire un nom, séduit Romy Schneider et entame avec elle une relation difficile.
C’est en 1960 avec « Plein soleil » le chef d’œuvre de René Clément qu’il crève l’écran dans un rôle complexe et sulfureux.
Visconti fait appel à lui pour « Rocco et ses frères » qui divise le public par sa violence et sa longueur.
Ses premières expériences au théâtre avec Romy Schneider sont un échec retentissant qui blesse l’orgueil déjà démesuré de l’acteur.
Avec Visconti vient la grande fresque du « Guépard » puis Jean Gabin grande figure paternel pour Delon l’adoube et tourne avec lui « Mélodie en sous-sol » d’Henri Verneuil.
Dès le début, Delon se démarque par un caractère difficile et des conflits permanents avec les réalisateurs qui le dirigent ou tente de le diriger.
Il continue de vivre la nuit et se lie d’amitié avec un jeune voyou yougoslave Milos Milosevic.
Après sa rupture retentissante et douloureuse avec Schneider, Delon rencontre sa future femme Nathalie qui lui ressemble et tente une carrière aux Etats-Unis.
Mais au lieu de faire profil bas face aux propositions de la MGM, Delon refuse les scénarios ou il ne s’estime pas mis en valeur et exige de tourner avec les plus grands.
Compte tenu de son manque de notoriété aux Etats-Unis, l’expérience tourne court et la star revient meurtrie en France pour constater que son grand rival Jean-Paul Belmondo a lui marqué des points en son absence.
Dans ces conditions la rencontre avec Jean-Pierre Melville tombe à point nommé et « Le samouraï » sorte de polar hiératique atteint le statut de film culte, tout comme le drame « La piscine » tourné avec son ex amour Schneider.
L’entourage de Delon continue d’entretenir un certain malaise : Stephan Markovic un autre yougoslave sorti de prison, remplace Milosevic suicidé au Etats-Unis après avoir assassiné sa maitresse.
Delon emploie ces « gros bras » yougoslaves comme gardes du corps mais ceux-ci peu contrôlables débordent souvent lors de soirées mal canalisées dans le Sud.
Alors que Markovic qui vit aux crochets de la star se fait plus menaçant, sa mort brutale attire l’attention de la police contre Marcantoni soupçonné d’avoir éliminé un homme devenu gênant pour le compte de Delon.
L’enquête prend des proportions énormes allant jusqu’à éclabousser la femme de Pompidou qu’on accuse à tort d’avoir participé à des parties fines avec le gigolo yougo.
Delon tient bon dans la tourmente, laissant son ami criminel endurci brouiller les pistes et décourager les témoins jusqu’à obtenir un non-lieu malgré l’insistance et les menaces des proches de Markovic.
Durant cette période, Delon va cependant développer une intense paranoïa dont son gout pour les chiens de gardes et les armes n’en est qu’un des aspects.
Au cinéma, il tourne en 1970 avec son rival « Borsalino » grand succès rendant les voyous marseillais sympathiques, et se brouille ensuite avec lui pour des questions de droits.
Delon se brouille ensuite avec Melville pour son dernier film raté « Un flic » et surprend son public dans « Le professeur » de Valerio Zurlini.
En couple à présent avec Mireille Darc, Delon se meut en organisateur de combats de boxe, achète un haras, des d’œuvres d’art et investit dans des casinos avec des relations toujours troubles avec le Milieu.
L’acteur demeure un être complexe, difficile toujours en mal de reconnaissance et ne comprend pas pourquoi « M Klein » film exceptionnel n’obtient pas de prix aux Césars.
Ecœuré, Delon enchaine les rôles stéréotypés à partir de la fin des années 70, encouragé par le succès de « Flic story » et va jusqu’à s’auto parodier.
Exilé fiscal en Suisse, l’acteur vient y chercher une certaine sérénité après que la plupart de ses amis gangsters aient été assassinés.
Politiquement à droite et ami de Jean-Marie Lepen, Delon va pourtant se rapprocher de la gauche après que Jack Lang alors ministre de la culture lui ait décerné des récompenses et va même entretenir une certaine sympathie pour François Mitterand.
Du côté de sa vie privée, Delon perd Mireille Darc et a des grosses difficultés avec son fils Anthony, qui fréquente comme lui les gangsters.
Il saborde son entreprise de jeans et de blousons pour avoir l’exclusivité des produits dérivés « Alain Delon » et entre en guerre contre un fils que son encombrante présence étouffe.
Son second fils Alain-Fabien aura également des problèmes avec la justice à la suite d’une soirée mal terminée et d’une victime blessée par balles.
Dans les années 90, Delon ringardisé enchaine les mauvais films et se dirige tout droit vers la sortie.
Jusque dans les années 2000, l’acteur fera toutefois quelques sorties remarquées à la télévision dan « Fabio Montale » et au théâtre avec sa fille Anouchka.
En conclusion, « Alain Delon, ange et voyou » confirme en réalité tout ce que l’on peut penser sur Alain Delon : immense acteur ayant tourné dans plusieurs chefs d’œuvres (« Plein soleil », « Le Samouraï », « M Klein ») mais aussi homme humainement détestable arriviste, imbu de lui-même, faisant souffrir tous ses proches.
Moins connues, ses relations non dissimulées avec le grand-banditisme de Marseille et de Toulon, sa fascination pour les parrains à l’ancienne étant rendue de l’autre côté par le gout du clinquant des stars : soirées dans des palaces, belles voitures et belles femmes, accès aux cercles de la « haute » du show-business.
Ceci ne renforce pas réellement la sympathie qu’on pourrait avoir pour le personnage.
On décèle également chez cet homme de droite dont les modèles étaient De Gaulle et Lepen, des tendances à retourner sa veste vers Mitterrand ou Raymond Barre lorsque cela sert ses intérêts.
On appréciera donc le travail non complaisant de Quivy et préfèrera voir Delon dans ses plus grands films plutôt que dans ses interviews et dans sa vie privée.
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