La Seconde guerre mondiale (Philippe Masson)

 




 Après la Première guerre mondiale, il était fort logique de s’intéresser à la Seconde avec « La Seconde guerre mondiale » de l’historien Philippe Masson.

Publié en 2003, « La Seconde guerre mondiale » est un ouvrage de taille imposante de près de 600 pages réparties en cinq parties principales ayant pour originalité de pas suivre une chronologie, qui elle se retrouve dans un précis chronologique de 200 pages situé à part.

Après une courte introduction relatant succinctement les préparatifs de la guerre avec l’habile montée en puissance du nouveau dirigeant de l’Allemagne, Adolf Hitler, chef du parti national socialiste, réputé pour ses idées extrémistes et expansionnistes avec un rêve de « grand empire allemand » occupant la quasi-totalité de l’Europe de l’Ouest, la partie Est étant tenue par l’allié soviétique de Joseph Staline, tandis que les autres alliés, japonais et italiens, se partageraient respectivement l’Asie et la zone méditerranéenne.

Diplomate rusé, Hitler berne Français et Anglais sur ses véritables intentions, puis annexe sauvagement la Pologne en 1939 ce qui déclenche inévitablement une nouvelle guerre.

Dans la seconde partie, Masson s’intéresse à l’aspect stratégique de la guerre, avec tout d’abord la fameuse Blitzkrieg de la Wehrmacht reposant sur l’extrême mobilité et la forte puissance de feu de colonnes de chars Panzer Mark, Tigre ou Panther pour enfoncer les lignes de front ennemies.

Cette nouvelle guerre de mouvement prônée par le général Guderian prend complètement de court les Polonais, Belges et Français, dont les armées sont balayées en un temps record.

La fantastique puissance technique de la Wehrmacht donne également toute sa mesure dans les cols escarpés de la Grèce pour voler au secours de son allié italien en difficulté.

Mais si la Blitzkrieg fut décisive au début du conflit, cette technique trouvera ces limites lors de l’invasion de l’URSS (opération Barbarossa) car après une formidable percée, les chars et camions allemands s’enlisèrent dans un territoire immense, aux conditions météorologiques épouvantables (pluies et froids mortels), défendu par des soldats innombrables reconstituant sans cesse de nouvelles troupes pour user les forces ennemies.

Le Général Von Paulus et ses chars se cassent donc les dents sur Moscou, puis l’Ukraine et enfin Stalingrad, point décisif de la Seconde guerre mondiale, sanglante bataille urbaine ou la valeur technique cède le pas celle de combattants luttant dans des espaces clos.

Parallèlement, les Américains, les Anglais mais surtout les Soviétiques progressent techniquement pour créer des tanks et canons mobiles capable de tenir plus le choc face aux monstres mécanisés allemands.

Les chars ne suffiront pas non plus face à la puissance des bombardements alliés notamment lors de l’opération Overlord.

On comprend donc tout l’intérêt tactique de la maitrise des airs et le duel au couteau entre la Luftwaffe et la Royal Air Force notamment dans la bataille d’Angleterre, avec l’avantage finalement décisif emporté par les Britanniques soutenus par les Américains et de terribles bombardements non seulement sur les centres de productions industriels allemands mais également sur des villes réduites en cendres comme Dresde.

Autre enjeu majeur de la guerre, la maitrise des mers, avec une Allemagne palliant la relative faiblesse de sa Kriegmarine, par l’emploi de sous marins U-boot certes limités techniquement dans leur autonomie sous marine, mais capables en remontant de nuit à la surface de couler les navires de commerce approvisionnant le Royaume Uni depuis l’Atlantique.

Cette bataille sera encore plus acharnée avec la parade trouvée par les alliés par l’usage d’avions capables depuis des porte avions de traquer et couler les U-boots.

Si la Marine de Churchill prendra relativement le dessus sur celle de Mussolini en Méditerranée, la mer sera également le théâtre de batailles grandioses dans le Pacifique ou les Etats-Unis, mal préparé et pris par surprise par le Japon, finiront par prendre le dessus sur leur rival après l’épique bataille de Midway en 1942.

Un peu moins passionnante selon moi, la troisième partie insiste sur les controverses, avec les bombardement allemands, anglais et américains de villes afin non pas de toucher des centres stratégiques ou économiques mais de terroriser et briser le moral des civils.

Plus intéressante est la partie sur la guerre de renseignement avec la lutte technique pour décrypter les codes des forces ennemies avec dans cet aspect une nouvelle victoire des américains et surtout anglais face à leurs rivaux qui permettra de prendre des avantages décisifs dans la guerre sous marine et lors de la fameuse bataille de Midway.

Dans la quatrième partie, Masson s’intéresse à l’aspect technique des armes utilisées avec un avantage indiscutable aux Allemands, qui surpassés au cours du conflit par l’incroyable puissance industrielle des Américains et des Russes, ont sans cesse chercher à prendre l’avantage pour utiliser de nouvelles armes comme les avions à réactions, les bombes télécommandées et les sous marins électriques, sans qu’aucune de ses trouvailles technologiques n’arrive à temps pour inverser la tendance du conflit.

Du coté des hommes, on notera l’inexistence de l’armée française et de ses généraux, le très net recul anglais dans les opérations terrestres au profit d’américains certes bien aidés par leur supériorité matérielle mais courageux dans les batailles décisives qu’ils menèrent pour faire écrouler les deux puissances les plus redoutables, l’Allemagne et le Japon.

Difficile de hiérarchiser la valeur des combattants, mais Russes et surtout Japonais se caractérisent par une résistance aux souffrances physique inouïe et une véritable aptitude au sacrifice, principalement pour défendre leur sol natal.

La guerre entre l’Allemagne et la Russie fut sans doute un des conflits les plus terribles de l’histoire de l’humanité, et les soldats Russes souvent contraints par leur hiérarchie et par la terrifiante police politique stalinienne se sacrifièrent dans d’épouvantables charges suicides destinées à user leurs adversaires.

On a beaucoup parlé de l’exceptionnelle combativité des japonais, de leur fanatisme hérité du Bushido, de leurs attaques suicides, de leur refus de capituler et des cuisantes pertes qu’ils infligèrent aux GI sur les iles japonaises mais la surprise provient des soldats allemands, qui alliant mental de fer lié au fanatisme nazi et grande valeur athlétique, furent peut être les combattants les plus redoutables, tenant longtemps en respect des troupes beaucoup plus nombreuses lors de la poussée Russe et Américaine post 1944.

Après avoir passé en revue les grands chefs du conflit et s’être attardé sur la personnalité complexe et fascinante d’Hitler, notamment par ses capacités de visionnaire hors norme sans oublier de citer Mc Arthur, Patton, Rommel et à un degré moindre Staline, Churchill et De Gaulle, l’ouvrage s’attache dans sa cinquième et dernière partie aux souffrances des populations, avec l’horreur des privations, les épouvantables conditions des réfugiés, prisonniers et ouvriers déportés que ce soit dans les pays de l’Est ou en Asie.

Un des passages les plus intéressants concerne la question des juifs, considérés depuis le moyen âge comme les boucs émissaires par excellence et victimes régulières de pogroms dans les pays de l’Est.

Une des théories de l’auteur est de faire de Hitler le catalyseur de cette haine contre une population réputée non intégrable et détentrice des principaux commerces et finances mondiales.

Masson prétend que Hitler n’aurait pas voulu l’extermination de tous les juifs mais qu’il aurait été dépassé par ses lieutenant comme Himmler et Heydrich, qui passèrent le cap des camps de concentration pour en faire des camps d’extermination industriels.

On appréciera le courage de l’auteur qui met en lumière le scepticisme et l’indifférence des belligérants comme les Etats-Unis, l’URSS et même l’Angleterre, qui ne rentrèrent nullement dans le conflit pour secourir les juifs victimes d’extermination.

La question de la collaboration française avec les nazis est soigneusement évitée mais l’action de la Résistance, remise à sa juste mesure : tardive et minoritaire.

On conclura enfin sur la capitulation du Japon  après le largage de deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagaski, l’écroulement de l’Italie et de l’Allemagne sous la double poussée américaine et russe, ces derniers se vengeant en faisant subir d’atroces souffrances aux populations civiles : meurtres, viols, tortures et déportations pour un voyage sans retour.

L’URSS sortira des négociations de Yalta en position de grand vainqueur mais également de menace pour les autres pays occidentaux en raison du caractère totalitaire de son régime et de la violence sanguinaire exercée par Staline sur les pays occupés par la force comme la Pologne ou la Tchécoslovaquie.

Immanquablement après la chute du « rêve » nazi viendra la création des deux blocs militaires et politiques Est-Ouest et l’opposition bien connue de la Guerre froide.

En conclusion, « La Seconde guerre mondiale » est un monumental pavé rédigé avec toute la minutie habituelles des agrégés d’histoire.

Sa présentation assez originale par thème plutôt que par chronologie rend parfois difficile le suivi des évènements forcément complexes et se déroulant sur une multitude des théâtres ou les drames abondent dans des sommets de tragédies humaines.

De part sa froide et relativement impartiale analyse, « La Seconde guerre mondiale » parvient même à faire oublier l’horreur absolue et le déchainement de violence inhumain des combats ou des sévices infligés aux prisonniers ce qui rend presque banal le basculement du monde aux portes de l’annihilation totale.

Tout en déplorant une trop grande froideur et un trop grand sens de la mesure, « La Seconde guerre mondiale » intéressera par ses analyses approfondies, son combat de certaines idées reçues et impressionnera par l’impressionnante qualité guerrière des allemands, des russes et des japonais, tous unis pour des raisons différentes par un fanatisme puissant.

Difficile également à sa lecture de ne pas éprouver un sentiment d’incrédulité et de frisson rétrospectif par rapport à l’absolue folie de cette histoire vielle de bientôt de plus de 70 ans.

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