Bourvil, de rire et de tendresse (Philippe Crocq, Jean Mareska)

 



Après avoir rendu plusieurs hommages à Louis de Funès, je tenais à en faire de même avec Bourvil, l’autre géant du cinéma comique français des années 60.

Paru en 2005, « Bourvil, de rire et de tendresse » est une biographie écrite par deux spécialiste du monde de la musique Philippe Crocq et Jean Mareska.

Après une préface de Tom Novembre, grand admirateur de Bourvil au point d’avoir sorti un disque de ses chansons, le livre déroule de manière linéaire la vie d’André Raimbourg né en Normandie dans un milieu rural avec vaches et champs.

Attaché à ses origines paysannes et à sa région d’origine, André prend le pseudonyme de son village d’enfance, Bourvil.

Mais l’homme dispose d’un tempérament trop bohème et curieux pour se cantonner à la vie de paysan, et montre bien vite des dispositions pour les métiers artistiques en faisant rires ses camardes ou en chantant dans des bals de village ou il imite des stars de l’époque comme son modèle original Fernandel.

En 1939, la guerre arrive et propulse André alors âgé de vingt deux ans dans des obligations militaires que sa santé ne supporte pas bien longtemps.

Malade, il est rapatrié dans le Sud ouest ou il fait la connaissance d’Etienne Lorin, un accordéoniste avec qui il fera ses premiers pas dans les cafés concerts de Paris dans lesquels il fait étalage de ses incroyables talents de comique ainsi que de chanteur.

Bourvil possède en réalité le don de faire rire en peaufinant un personnage de provincial benêt, maladroit, faux naïf plus malin qu’il en a l’air mais surtout profondément bon et généreux.

Ce caractère simple et attachant, touche lui confère un public assez universel avide de distractions depuis la fin de la guerre.

Mais l’homme sait également se faire adroit chanteur, en interprétant avec talent chansons alternativement drôles ou plus mélancoliques.

Nanti d’un tel bagage, Bourvil ne tarde pas à se faire un nom dans le show biz parisien et est signé par André Trives imprésario chez Carrère.

Il côtoie alors les stars de l’époque, Edith Piaf, Francis Blanche, Yves Montand, Charles Trenet ou la jeune Line Renaud alors débutante.

Les premiers pas de Bourvil dans le cinéma sont moins heureux.

Il tourne dans des films médiocres avec André Berthomieux et se montre plus enclin à poursuivre sa carrière sur scène ou le rapport avec le public est direct.

Dans ce registre, son talent fait des étincelles.

Il se produit au théâtre et dans des opérettes comme « La route fleurie » avec son ami chanteur George Guétary mais sa popularité explose au niveau national avec la montée en  puissance de la radio ou des disques, qui diffusent alors massivement des chansons devenus des classiques populaires comme « Les crayons », «  La tactique du gendarme », « Salade de fruits », « C’était bien » , « La tendresse » ou « Les abeilles ».

Bourvil est alors un proche du producteur Jean-Jacques Vital et de Bruno Coquatrix, directeur de Bobino ou il se produira souvent, puis de l’Olympia.

Mais le cinéma lui tend les bras, comme à toutes les vedettes de l’époque.

Bourvil est plus heureux en tournant des adaptations de Marcel Aymé comme « Le passe-muraille » en 1951 mais surtout « La traversée de Paris » aux cotés de Gabin et De Funès, qui lui vaudra sa première reconnaissance de la profession dans un rôle complexe élargissant son jeu au-delà des prestations de nigaud campagnard.

Il peut alors tourner avec la belle Michèle Morgan à Venise « Le miroir à deux faces » , pousser encore plus le contre emploi en incarnant un Thénardier cruel et sournois dans « Les Misérables » (1958) aux cotés des irascibles Gabin et Blier et faire la connaissance du jeune premier Jean Marais dans « Le bossu » de son ami Hunnebelle (1959).

Malgré tout son rapport avec le cinéma demeure délicat et « La jument verte » en 1959 adaptation corrosive d’une autre œuvre d’Aymé, est un cuisant échec tout comme bon nombre des films qu’il tourna au début des années 60 notamment avec son sulfureux ami Jean-Pierre Mocky, aussi Bourvil jongle t il astucieusement avec sa carrière de comique et chanteur qui lui apportent plus de satisfactions.

Devenu une star, Bourvil tourne d’égal à égal avec son ancien maitre Fernandel dans « La cuisine au beurre » mais la rivalité est terrible avec le vieux méridional qui le considère plus comme une menace.

Vient enfin « Le corniaud » de Gérard Oury en 1964 et la découverte d’une formidable complémentarité avec Louis de Funès pourtant mécontent au départ du peu de place qui lui est laissé dans le film.

La suite, on la connait, bien que doté de caractères différents, De Funès étant un timide angoissé dans la privée, Bourvil plutôt enjoué et blagueur, les deux hommes deviendront amis et tourneront la célébrissime « Grande vadrouille » sorte de première super production française qui sera un raz de marée populaire.

Pui se sachant malade et condamné par un cancer des os, Bourvil parviendra malgré la fatigue à se détacher du rôle de pitre pour incarner des personnages plus sombres et complexe dans les polars « Le cerveau » mais surtout « Le cercle rouge » de Jean-Pierre Melville.

En conclusion, « Bourvil, de rire et de tendresse » relate bien entendu des anecdotes intéressantes de la vie d’un des amis préférés des français mais ne révèle à dire vrai que peu de choses sur la vie privée et intime de l’homme derrière l’acteur.

On le devine sensible, fidèle en amitié comme avec des réalisateurs de cinéma marginaux comme Mocky ou fidèle à sa femme Jeanne Lefrique amie d’enfance, dont finalement le livre parle assez peu alors qu’on aurait pu parler de son décès survenu en 1985 alors qu’elle se rendait sur sa tombe.

Mais Bourvil savait aussi se montrer fort et malin pour se faire respecter dans le milieu du show bizness.

Son courage face à une maladie qu’il nia jusqu’à ses derniers instants inspire le respect même si on peut y voir un certain manque de lucidité en se lançant sans cesse dans de nouveaux projets qu’on est pas certains de finir.

L’amitié avec Louis de Funès est assez peu développée, elle fut pourtant bien réelle et au moment de sa mort, les deux amis débordaient des projets artistiques malheureusement restés inaboutis.

De mon coté, j’ai plus apprécié découvrir le Bourvil chanteur, drôle ou touchant, qu’on oublie quelques fois derrière le monstre du cinéma populaire.

Une biographie qui reste toutefois intéressante et touchante pour cet homme resté simple et gentil, comme l’idéal meilleur ami des français.

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