L'attrape-coeurs (J.D Salinger)
Changement de décor avec un classique de la littérature américaine « L’attrape-cœurs » de J.D Salinger.
Autant le dire tout de suite ce livre ne fait pas partie de ceux que j’aurais lu en suivant mes envies, je l’ai donc plutôt considéré comme un passage obligé.
Salinger, ce nom me disait quelques chose, je connaissais en effet une chanson d’Indochine « Des fleurs pour Salinger » qui lui était consacrée.
L’élément déclencheur fut de voir un jour sur un plateau de télévision Frédéric Beigbeder clamer avec une force convaincante son amour pour cet écrivain avant de décrire comment il était allé aux États-Unis pour tenter d’être le premier à l’interviewer depuis plus de quarante ans.
Cet écrivain vivant en effet en reclus depuis les années 60 a su créer un mythe nimbé de mystère autour des sa personne.
« L’attrape-cœur » traite d’un état universel : l’adolescence, passage charnière délicat entre l’enfance et l’age adulte.
Le héros, Holden Caulfield, est un jeune homme de 17 ans de la bourgeoisie New Yorkaise, qui à la suite de son renvoi d’un collège huppé dans le quel il était pensionnaire va entamer une errance de plusieurs jours dans l’attente de son retour chez ses parents.
Dans un premier temps ce qui frappe dans ce roman c’est la langue utilisée.
Salinger écrit de la manière dont parlerait un adolescent.
Le style est donc peu sophistiqué, impétueux, rageur et émaillé d’expressions récurrentes comme « ça m’a tué » .
J’ai toute de suite senti que « L’attrape-cœur » était un roman quasi autobiographique.
Les détails étaient trop précis et avaient trop de réalisme pour être totalement inventés.
Holden est un adolescent qui a grandi trop vite, il est très mal dans sa peau, n’a aucun goût pour les études (il a déjà été renvoyé de plusieurs établissements ), il est complexé par son physique trop maigre et n’arrive pas à se fondre dans les us et coutumes de la vie d’un pensionnat pour enfants de riches.
Il fait un complexe par rapport aux joueurs de football, dont les corps musclés et la popularité leur assurent un succès important parmi les jeunes filles.
Après son renvoi, Holden loue une chambre dans un hôtel minable à New York et découvre la vie nocturne, animée et glauque des boites de la ville la plus agitée du monde.
Volonté de s’affirmer par l’alcool et la danse, de vivre sa première expérience sexuelle, d’avoir des fréquentations valorisantes intellectuellement ou physiquement se mêlent aux craintes et doutes d’un adolescent déboussolé et peu sur de lui confronté à un monde dont il ne maîtrise pas tout les codes.
Salinger décrit donc les expériences de ce jeune homme ballotté par la vie dans une ville trop grande pour lui.
J’ai noté une haine farouche du cinéma et des acteurs, dont Holden dénonce de manière épidermique la renommée boursouflée.
On peut donc déjà y déceler le dégoût de Salinger pour les honneurs et l’exposition médiatique.
En réalité je partage en partie ce point de vue, trouvant que le cinéma et les acteurs sont adulés de manière démesurée comme par exemple lors l’insupportable cirque médiatique annuel du festival de Cannes et j’ai toujours été frappé du fait que 80 à 90% des acteurs n’avaient rien à dire en dehors des banalités promotionnelles d’usage.
Dans ce ténébreux et chaotique apprentissage de la vie perce cependant une lueur d’amour : Phoebe dit la « Mome Phoebe » , la petite sœur de Holden qu’il chérit plus que tout.
Les passages traduisant leur relation quasi fusionnelle sont des instants de pure grâce et constituent les meilleurs moments du livre avec une émotion qui vous noue la gorge et embue vos yeux.
Celui ou la petite veut accompagner son frère qui lui annonce qu’il va fuguer et s’enfuir pour vivre dans le Maine est bouleversant.
Phoebe incarne donc l’innocence et la pureté de l’enfance dans laquelle Holden trouve refuge pour se protéger du monde corrompu, faux, sale et dégoûtant des adultes.
Au final les choses rentrent pourtant dans l’ordre.
Mon sentiment sur ce livre est mitigé.
A l’origine (ni même à la conclusion ! ) je ne me sens pas concerné ni touché par les déboires d’un jeune américain fils de bonne famille.
Je trouve qu’il y a beaucoup de sujets plus forts et intéressants.
Néanmoins je reconnais que ce roman est réussi, subtil, riche, avec un style particulier qui m’a touché mais uniquement par intermittence.
Ce livre est aussi une réflexion sur la connaissance et l’éducation.
En effet, on sent Holden mu par une envie larvée de connaissance mais que les professeurs ne parviennent pas à suffisamment stimuler pour éclore.
Mais je crois que ce type de situation n’a rien d’exceptionnel et a été vécue par la majeure partie des étudiants.
En effet pour un professeur captivant, combien vous dégoûteront à vie de leur matière ?
« L’attrape-cœurs » n’est donc pas un roman culte pour moi et je me dis que sans l’attitude énigmatique de Salinger, son aura aurait été sans doute atténuée, restant au niveau de sa source : celle d’un bon roman.
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