Mémoires vives (Edward Snowden)

 

Sorti en 2019, « Mémoires vives » est autobiographie d'Edward Snowden, le plus célèbre lanceur d'alerte connu jusqu'à présent.

Dans ce ouvrage volumineux, Snowden se décrit comme ayant grandi en Caroline du Nord dans une famille de militaires et de fonctionnaires du gouvernement américain, père et grand-père officiers des garde-cotes, mère occupant divers emplois administratifs à la CIA puis au FBI.

Son père Lonnie féru d'électronique semble avoir eu une grande influence sur son appétence pour l'informatique alors balbutiant à la fin des années 80.

Edward s’intéresse en effet très tôt aux jeux vidéos puis aux premiers micro-ordinateurs que son père ramène à la maison.

Les débuts d'Internet sont une révélation pour lui et il s'immerge alors dans son monde qu'il qualifie de parfait car porteur au commencement d'une liberté totale entre ses utilisateurs.

Curieux et intelligent, Edward se développe en autodidacte et fait le strict minimum à l'école dont le cadre trop formel et les règles le dérange.

Suivant ses parents à Fort Meade, siège de la NSA, Edward ne va pas à l'Université et travaille en free-lance sur le développement de sites web pour une amie entrepreneuse dont il est secrètement amoureux.

Le 11 Septembre 2001 constitue un choc majeur et un très fort sentiment de rage commence à l'habiter.

Il tente de s'engager dans les Forces spéciales, mais malgré des débuts prometteurs, échoue en se blessant aux jambes après un saut raté.

Mais la chance lui sourit puisque l'onde de choc des attentats aboutit au lancement de programmes d'espionnage d'une ampleur inégalée dans lequel ses compétences en informatique sont activement recherchées.

Snowden décrit de manière très critique le système mis en place, les grands donneurs d'ordre (CIA, NSA) passant de gros contrats avec des industriels de premier plan qui sous-traitaient ensuite vers des structures plus modestes le développement de systèmes stratégiques pour la sécurité nationale.

Après une première affectation « bidon » en tant que contractuel de la CIA pour surveiller des bureaux la nuit le temps d'obtenir son accréditation, Snowden pénètre dans ce monde bouillonnant.

Il effectue divers jobs au sein de l'agence, tous très bien payés et voit son train de vie grandement s'améliorer.

Mais il décide de passer du coté « étatique » quitte à rogner sur son salaire pour connaître des affectations « sur le terrain ».

Il est embauché par la CIA mais après avoir contesté les conditions d'hébergement déplorables des stagiaires, se voit affecté en punition à l'ambassade américaine de Genève alors qu'il ne revait que de « coins chauds » en Irak ou Afghanistan.

A Genève, Snowden est chargé du support technique des espions et décrit les diverses méthodes employées pour combiner renseignement humain et électromagnétique.

Il est nettement plus mal à l'aise avec le premier...

Il est ensuite embauché chez Dell pour travailler à la NSA et occupera divers postes notamment au Japon avant de rentrer aux États-Unis à Hawaï pour y vivre avec sa petite amie Lindsay.

Malgré sa vie dorée sur cette ile paradisiaque, Snowden commence à avoir des doutes sur le sens de ses activités, notamment le fait que bon nombre de programmes de collecte de données de masse rendues possibles par la loi « Patriot act » de Georges Bush Jr.

Il profite alors de son travail de nuit et de ses fonctions d'administrateur système pour collecter un nombre impressionnant de documents en faisant croire que le but est de centraliser puis diffuser de l'information entre diverses entités de l'Agence.

Bien que situé très bas dans la hiérarchie, Snowden a alors accès à des documents ultra confidentiels qui démontrent que la NSA est en train de violer la Constitution avec une grande passivité du Gouvernement.

Il va alors jusqu'à vérifier qu'opérationnellement ses textes sont suivis d'effets et que n'importe quel citoyen étranger ou américain peut être espionné pour de vagues motifs de suspicion.

Dès lors la décisions de trahir son employeur et son pays dans l’intérêt général se forme dans son esprit.

Luttant contre sa peur, Snowden parvient à faire sortir discrètement les documents classifiés d'enceinte ultra sécurisée de la NSA et après avoir pris toutes les précautions possibles pour protéger ses proches et contacte des journalistes du Guardian et du Washington post en utilisant des systèmes cryptés inviolables même pour ses ex-collègues.

Réfugié à Hong-Kong, il donne finalement les interviews qui feront exploser le scandale des « écoutes de masse » de la NSA.

Après de multiples péripéties, pressions et menaces contre Chelsea, Snowden décide avec l'appui d'avocats défenseurs des libertés et de Sarah Preston de l'équipe de Wikileaks, de quitter Hong-Kong devenu hostile pour l’Équateur, l'un des rares pays à accepter de lui donner l'asile politique.

Mais le voyage s'achève contraint et forcé en Russie, ou il pose ses valises en 2013 pour y obtenir l'asile politique et continuer des activités militant pour plus de liberté sur Internet.

En conclusion, « Mémoires vives » est un livre édifiant montrant comment après le 11 Septembre 2001, les États-Unis ont réagi de manière excessive en révisant de manière drastique leurs principes de liberté pour une adopter une surveillance totale, de tout le monde, alliés européens compris.

Si on ne peut pas contester l'aspect anti-démocratique de ces mesures, à aucun moment le livre de Snowden ne se place du point de vue de l'efficacité « réelle » de ses programmes contre le terrorisme.

Ainsi le lecteur reste sur sa faim sur ce point précis et se demande toujours à quoi ont servi ces milliards de dollars investis dans toujours plus de renseignement technologique alors que dans ce secteur l'aspect renseignement « humain » de terrain est au moins, sinon plus important.

L'histoire de Snowden, est celle de nombreux « lanceurs d'alerte » assimilés souvent à des traitres ou des criminels par leur propre pays, et souvent abandonnés de tous, même si dans son cas personnel, Snowden qui craignait pour sa vie, s'en tire au final plutot bien, protégé par la puissance de la Russie et pouvant continuer les activités qu'il apprécie en faveur de systèmes cryptés ou intraçables (comme Tor crée par la Marine américaine) permettant à chacun de conserver des libertés individuelles.

Alors que depuis l'école jusqu'au monde du travail on nous apprend à suivre les règles, le phénomène des lanceurs d'alerte est intéressant,  car en réalité moins de 1% des gens auraient eu le courage de dénoncer un système auréolé d'un tel poids.

Sans nul doute la nature autodidacte et rebelle de Snowden a-t-elle contribué à faire passer ses principes/idéaux avant son intérêt personnel.

Enfin il est à noter que parmi les pays ayant refusé leur protection à Snowden, la France figure en bonne place, comme si on s'asseyait sur les  grands principes démocratiques face à une véritable super puissance !