Les murailles de feu (Steven Pressfield)

 



Zoom sur l’histoire des guerres médiques et suite logique du l'article précédent : « Les murailles de feu » de Steven Pressfield.

Il s’agit donc apparemment d’un roman historique centré sur la bataille des Thermopyles, la couverture faisant plutôt adroitement référence au film « Les 300 » pour attirer le chaland.

Mais en réalité contrairement au film ce livre ne traite pas « que » de la bataille même, en effet pendant environ la moitié du roman on ne parle pas de ces fameux six jours historiques ou le détachement d’élite spartiate emmené par Léonidas tint en échec l’armée perse de Xerxès.

Le livre traite également de la vie à Sparte dans l’antiquité.

Le mode narratif choisie st  extrêmement original.

Le narrateur est Xéon, un jeune homme dont le village et la famille ont  été massacrés par les Argiens et qui contraint à une vie d’errance dans la campagne avec sa cousine et son ancien esclave guérisseur, finit par rallier Sparte en devenant un esclave au service d’un maître puissant et influent du nom de Dienekes.

Xéon a réchappé à la bataille des Thermopyles, grièvement blessé il est interrogé par la gardes de Xerxès, qui est curieux d’en savoir plus sur le mode de vie de ces gens qui ont préféré mourir pour leur pays et lui ont coûté de si cuisantes pertes.

Ainsi par Xéon, le lecteur découvre la rudesse des mœurs de Sparte, citée entièrement tournée vers l’art militaire.

Dés son adolescence chaque jeune homme est suivi par un mentor chargé de le former pour devenir un vaillant guerrier hoplite.

Xéon doit servir Alexandros qui est l’élève de Dienekes.

Le drame d’Alexandros est qu’il n’a aucun goût pour la guerre.

Alexandros est intelligent, beau, chétif, il aime la musique et a une voix d’ange.

Décalé par rapport à sa société, il subit donc les pires brimades des instructeurs, nez cassé, coups de fouets, humiliations publiques.

Mais Dienekes homme intelligent, tolérant, très respecté et aimé dans la cité, n’ayant pas eu de descendance male, considère Alexandros comme son propre fils et intervient fréquemment pour le protéger.

Xéon pratique la lutte et la boxe avec Alexandros pour l’aider à s’endurcir.

Les deux jeunes hommes soudés dans les épreuves se lient d’amitié.

A l’annonce de la mise en marche de la plus grande armée levée par un roi perse, la peur se diffuse dans toute la Grèce.

Les tentatives d’unifications sont très laborieuses, la plupart des villes restant neutres ou pire se soumettant par avance à Xerxès.

Sparte, Athènes, Corinthe et Thèbes choisissent de se battre.

Le roi de Sparte, Léonidas part au défilé des Thermopyles avec 300 hoplites, choisi pour leurs qualités guerrières mais également pour le fait qu’il ait des descendants afin de perpétuer leurs lignées.

Ils sont aidés par des contingents de troupes auxiliaires dont les Thébains.

L’idée est de bloquer l’invasion terrestre perse dans un étroit défilé montagneux entre la Thessalie et l’Attique tandis que la marine grecque luttera sur les flots pour protéger Athènes.

Contrairement au film « les 300 » Léonidas a en réalité soixante ans lors de cette expédition , ce n’est donc pas un body builder de 35-40 ans !

En revanche il est très respecté et ses troupes sont prêtes à mourir pour lui.

Dans la culture spartiate, le rois et les commandants vivaient dans les mêmes conditions de rudesse que leurs hommes ce qui tissait des liens très étroits entre eux.

Alexandros se porte volontaire pour la mission suicide, il suivra son père Olympias et son mentor Dienekes tout comme le fera Xéon.

A Sparte les esclaves suivent leurs maîtres jusqu’au champs de bataille, ils les assistent et peuvent même dans certains cas exceptionnels être amenés à lutter à leurs cotés.

Léonidas érige un mur dans le défilé et poste ses hommes en triangle.

Xerxès envoie des émissaires et promet à Léonidas d’épargner Sparte et de régner sur la Grèce toute entière en échange de sa soumission.

Avec leur alliance dit il, ils seront invisibles et iront même étendre l’empire perse en Europe.

Léonidas ne croit pas l’émissaire et refuse l’offre en bloc, la bataille est donc inévitable.

Les forces des Perses sont leur cavalerie et leurs archers, les meilleurs du monde à cette époque.

Mais le plus effrayant est leur nombre, plus d’un millions de soldats issus de toutes les contrées conquises depuis Cyrus, Darius et Xerxès.

En théorie les Grecs ne font pas le poids, mis à part sur les mers mais cela Xerxès ne le sait pas encore.

Le terrain des Thermopyles, encaissé et étroit n’autorise par les Perses à déployer leurs armes de prédilection.

Dans les corps à corps, les phalanges grecques ont un avantage indéniable.

Les Spartiates combattent en phalange soudées, chaque soldat protége son voisin de gauche en levant son bouclier de bronze, puis la phalange avance poussée par l’arrière des troupes tandis que les longues lances sont abaissées horizontalement en position d’attaque.

La phalange percute la ligne ennemi avec ses boucliers et par la force de sa poussée la renverse, ensuite les longues lances servent à piquer puis la phalange se ressoude et reproduit sa force de poussée.

Les fantassins perses ont des boucliers en osiers insuffisants pour les protéger, leurs lances sont trop courtes et leurs épées plus fragiles.

De plus, beaucoup sont esclaves, enrôlés de force dans une guerre les dépassant.

Les Grecs luttent pour leur pays, en homme libres.

Les Spartiates se connaissent tous depuis l’enfance et sont très soudés entre eux.

Le récit des six jours ou Léonidas et ses troupes tuent 20 000 Perses est passionnant et extrêmement dense.

Pressfield décrit avec talent et force ses combats homériques dont le point culminant est l’envoi d’un commando grec pour tuer Xerxès en pleine nuit.

Cette action commando échoue de peu et voit la mort  d’Alexandros qui se révèle finalement un combattant héroïque.

Finalement l’inexorable arrive, éreintés par la multitude des assaillants perses et leur arsenal inépuisable de combattants, les Grecs reculent et se font prendre à revers par la garde personnelles de Xerxès, les Immortels.

Ceux ci massacrent les Spartiates jusqu’au dernier et le corps de Léonidas est mutilé.

Xéon seul survit et capturé par les Perses raconte son histoire avant de mourir.

La suite on la connaît, l’embrasement de la résistance grecque, la déroute perse à Salamine puis à Platée, vaincue à la fois par la marine athénienne et par les terribles fantassins spartiates.

« Les murailles de feu » est un petit bijou de roman historique, bien plus complet et instructif que ne le sera jamais aucun film.

On côtoie des personnages héroïques mais à échelle humaine capables de nous émouvoir par leurs sentiments.

On comprend mieux les motivations de chacun, la mentalité spartiate n’excluant pas la peur mais s’efforçant par l’entraînement de considérer la guerre comme un travail en combattant avec discipline sans colère ni désorganisation.

En résumé un roman remarquable qui vous transporte complètement dans son monde.

Un signe qui ne trompe pas après ce livre Steven Pressfield bien qu’américain a été nommé citoyen d’honneur de la ville de Sparte.

Quelques passages :

« Une flèche qui siffle au oreilles peut ramollir les genoux. La tête polie du projecteur crie sa malveillance tandis que le poids de la tige dirige son vol meurtrier.
Mais cent flèches font un bruit différent. L’air semble s’épaissir et devenir incandescent ; il vibre comme un solide. Le guerrier se sent enfermé dans un corridor d’acier vivant. La réalité se réduit à cet espace de mort dont il est prisonnier. Il ne voit plus le ciel, il ne sait même plus qu’il existe.
Viennent mille flèches, leur bruit est comme un mur. Il n’offre aucune faille, aucun répit, solide comme une montagne il chante la mort. »

«  Les pensée du guerrier au moment de l’action répondent à un schéma invariable et inévitable … D’abord apparaissent les visage des êtres chers et loin du danger : sa femme, sa mère , ses enfants, surtout si ce sont des filles et si elles sont jeunes. Celles qui survivront et porteront son souvenir dans leur cœur. Il  chérit  ses images la. Il leur adresse son amour et leur dit adieu.
Puis l’esprit convoque ceux qui ont déjà passé la rivière et attendent sur la rive lointaine de la mort…
Le guerrier accueille ses images la en silence, invoque leur aide puis les efface.
Ensuite viennent les dieux qui l’ont le plus favorisé et qu’il a le plus révérés. Il leur remet son esprit si il en a le loisir. »

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