Ravage (René Barjavel)

 



 « Ravage » de René Barjavel est un roman qui m’a été conseillé par un collègue.

Les auteurs de science fiction français sont très rares tant le genre est généralement outrageusement dominé par les américains, raison de plus pour m’intéresser à Barjavel sorte d’exception culturelle dans notre beau pays.

Publié en 1943, « Ravage » penche plus vers l’anticipation que vers la science fiction pure au sens « Aasimovien » du terme.

Barjavel situe l’action en France en 2052 et prêt de la moitié du roman se déroule dans un Paris futuriste.

Le personnage principal est François Deschamps (le choix de ce nom ne peut être du au hasard !), étudiant issu du monde rural venant à Paris pour aller chercher les résultats de son concours d’ingénieur agronome et pour voir sa fiancée d’enfance Blanche  qui vient de lâcher ses études sans rien lui dire afin de se produire dans une revue déshabillée.

La vision de la société décrite par Barjavel est intéressante : la plupart des gens ont quitté les campagnes et se massent des  villes de 25 millions d’habitants ou toutes les habitations ont été surélevées ou remplacées par d’immenses tours.

Bien sur la société est très fortement automatisée et les humains ne font plus beaucoup d’efforts physiques tant ils sont assistés.

Innovation majeure : les morts sont cryogénisés et conservés dans leur famille d’origine dans une pièce spécialement conçue à cet effet.

Les avions et trains volent à grandes vitesses  et permettent d’aller de Nantes à Athènes en quelques heures.

Curieusement les voitures à roue ont été gardées même si leur propulsion se fait par plusieurs procédés « révolutionnaires » , par quintessence ou par nucléaire.

Le plastec, nouvelle matière ultra résistante équipe la plupart des infrastructures.

Les avancées les plus impressionnantes sont dans le domaine agricole : la plupart des nourritures végétales ou animales sont cultivées dans des usines en se passant de l’apport de la nature.

Seules restent quelques régions rétives au progrès (dont la Provence ) et celle d’où est issue François (prêt de Vaux ) qui ont conservées un mode de vie à l’ancienne.

On croit d’abord que l’événement qui va tout changer est l’annonce d’une offensive militaire de l’Amérique du Sud colonisée par tous les Noirs contre les États-Unis mais curieusement on ne saura jamais ce qui ce qu’il adviendra de ce conflit.

Non l’événement majeur est l’altération pour une raison inconnue des propriétés électriques de la Nature.

Le monde moderne se retrouve brusquement privé d’électricité et la plupart des métaux s’avèrent inutilisables.

Bien entendu ce monde hautement technologique ne tarde pas à se détraquer.

Plus que la chute d’une civilisation, Barjavel nous décrit donc  l’Apocalypse, la fin du monde moderne.

Toute la société s’écroule en effet, les usines s’arrêtent, la nourriture et l’eau se mettent à manquer, une épidémie de choléra se déclare, les pillages commencent, la police privée d’armes pour contenir les foules s’avère bien vite débordée et rapidement la loi du plus fort pour la survie devient la norme.

Le climat se détraque également, un immense incendie ravage Paris et contraint François et Blanche à la fuite.

Ceux ci tentent de fuir vers le Sud pour retourner vers la société agricole.

Ils forment une bande avec d’autres fuyards pour se protéger des pillards.

Au bout de mille aventures ils parviennent à regagner Vaux le village dont est originaire François et fondent une nouvelle société.

La fin du roman est en quelque sorte la vision de Barjavel de cette nouvelle société basée sur un retour à une vie rude, proche de la nature.

Au final le livre me laisse un sentiment mitigé.

D’un point de vue littéraire le livre est une réussite, l’histoire est rythmée, très prenante et on est happé par les terribles descriptions des catastrophes naturelles par Barjavel.

Celles ci sont en effet décrites manière extrêmement violentes et intense.

Si les questions posées par Barjavel me semblent pertinentes surtout à une époque ou on nous martèle tous les jours que nous devons changer notre mode de vie pour sauver la planète,  si je pense que notre monde moderne et évolué est au final très fragile et susceptible d’être rapidement anéanti par un dérèglement naturel majeure, je ne partage pas en revanche la vision proposée par l’auteur au sujet de la société idéale.

Le modèle basé sur une vie à la dure totalement privé de machines laisse en effet songeur.

L’organisation sociale fondée sur un patriarche, chef de clan unique omnipotent désignant son successeur au mérite et l’instauration de la polygamie obligatoire me paraissent dignes des sociétés tribales.

Le passage ou la nouvelle communauté tue le forgeron ayant voulu recréer une machine roulante me paraît excessif et aller contre la nature profonde de l’homme qui sera toujours de créer des outils, des armes pour se faciliter la vie.

Quand au passage concernant le fait de brûler tous les livres autres que ceux de  poésie, il me rappelle les méthodes des nazis ou des sociétés fascistes en générale.

Il est étonnant qu’un écrivain tienne de tel propos.

D’ailleurs Barjavel fut assez critiqué sur cela et fut même accusé de Pétainisme.

Le découpage de la France en deux, l’une mécanisée et ayant perdu son âme au Nord d’un coté, l’autre agraire et pure au Sud me rappelle aussi la division opérée avec le gouvernement de Vichy.

De manière plus générale, la description des horreurs fait pour moi référence de manière détournée à ce que peut subir une population en temps de guerre.

Pour sa dernière partie donc, « Ravage » laisse un arrière goût de malaise.

Cependant ce livre mérite d’être lu pour sa réflexion autour des limites éventuelles au développement de l'homme, de son rapport de dépendance vis à vis de la nature et pour ses pures qualités littéraires qui elles ne sont pas à remettre en cause.

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