Histoire de la Mésopotamie (Véronique Grandpierre)

 



 

Grand sujet abordé avec « Histoire de la Mésopotamie » de Véronique Grandpierre.

Ce copieux ouvrage de plus de 400 pages est en réalité un minutieux et rigoureux travail d’historienne abordant sous divers angles (archéologie, politique, société, religion) sur une immense période temporelle allant de -4000 à -539 avant JC, l’histoire d’une région correspondant grosso modo l’Irak moderne et réputée être l’un des berceaux de l’humanité.

En effet, la mystérieuse civilisation Sumérienne a été antérieure à celle de l’Égypte des Pharaons, à celle de l’Ancien Testament et de la Grèce antique.

La première partie de l’ouvrage consacrée aux luttes d’influences entre les grandes puissances occidentales (France, Angleterre, Allemagne, États-Unis) du XIX et XX ième siècle pour occuper l’espace irakien, libanais et syrien afin de réaliser des fouilles permettant d’alimenter les découvertes scientifiques de l’époque et un certain gout pour l‘orientalisme, n’est pas celle qui m’a le plus passionné.

Avec le temps et la compétition, les techniques s’affinent et l’écriture cunéiforme akkadienne apparue en -4000, est déchiffrée en 1857 ce qui ouvre la porte à un plus large champs d’investigation en analysant les textes laissés par cette civilisation.

Relativement peu d’intérêt également pour la partie archéologie qui détaille les différentes méthodes et techniques de fouilles des sols pour mettre à nu des sites enfouis sous les multiples couches sédimenteuses en croisant bien entendu cette approche avec l’étude des sources écrites, provenant d’annales destinés à glorifier la puissance des rois, de textes juridiques comme le fameux code Hammourabi ou alors plus scientifiques ou religieux écrits par des scribes, sans oublier la puissante mythologie sumérienne avec l’épopée de Gilgamesh (-2000 avant JC).

Il apparait de ce vaste puzzle que ce sont sans nul doute les conditions géographiques favorables de la région située entre le Tigre et l’Euphrate qui a contribué à l’établissement d’un bassin de population, bénéficiant de l’apport en eau des fleuves pour tout d’abord survivre et ensuite mettre en place des technique assez élaborées d’irrigation permettant de développer l’agriculture puis le commerce vers l’Anatolie, l’Egypte et la Médie voisines.

On peut donc tenter de retracer les vagues de peuplement de la région avec tout d’abord les Akkadiens peuple sémite dont le roi le plus puissant fut le conquérant Sargon et les Sumériens d’origine inconnue, occupant le sud du pays (capitale Uruk) qui tour à tour furent les forces dominantes jusqu’en -2000 avec l’émergence des Babyloniens dont l’un des rois les plus connus est Hammourabi.

A ces époques, le développement économique favorise l’urbanisation et l’élaboration de cités-états gouvernés par des rois, jusqu’à ce que l’un d’entre eux plus ambitieux, plus courageux et habile, décide d’accroitre son royaume par la conquête militaire.

Hammourabi est un grand roi, à la fois militaire, diplomate et administrateur qui laisse un royaume étendu, stable et prospère.

Après lui et les mystérieuses invasions des Peuples de la Mer, tribus unifiées de pirates méditerranéens qui troublent l’équilibre mésopotamien et égyptien pendant 200 ans, vient l’âge du fer, vers -1000 av JC, qui permet à la région d’effectuer d’autres progrès technologiques en confectionnant de meilleurs outils et armes.

L’Assyrie devient alors le peuple dominant en raison de sa supériorité militaire (cavaliers et archers) et étend alors en -700, sous Sargon II son empire par des conquêtes en Égypte et dans la zone du Levant (Palestine, Jordanie, Liban).

En -600, Nabuchodonosor II rétablit une domination néo-babylonienne et offre à Babylone des merveilles architecturales.

Mais il est trahi par son clergé qui livre la ville au Perse Cyrus en -539, sonnant la fin de l’indépendance de la Mésopotamie, qui deviendra une province perse puis  grecque après la conquête d’Alexandre le Grand).

Une fois les grandes lignes historiques brossées vient l’étude de la société interne mésopotamienne, avec au sommet le roi omnipotent car en liaison directe avec les divinités qui l’établit.

Le roi possède des terres, du bétail et reçoit des impôts des gouverneurs ou autres rois des territoires annexés en échange d’un devoir de protection.

Il se doit d’être pieux, courageux, intelligent, cultivé, bon administrateur, juste et mesuré avec son peuple envers qui il a une véritable responsabilité.

Le clergé est la deuxième force du pays et bénéficie à ce titre d’avantages similaires.

La population vit dans villes construites selon plusieurs critères, l’alimentation en eau par canaux ou aqueducs, la protection contre les terribles crues des fleuves et contre les attaques venant de l’extérieur par la constructions d’épais murs d’enceinte.

Elle se divise en plusieurs classes, l’homme libre aisé (awilum), l’homme libre ( muskenum) et l’esclave (wardum) généralement issu des populations vaincues pendant les guerres.

Les lois régissent les relations entre les individus, accordant un net avantage à l’homme libre aisé par rapport aux autres et à l’homme par rapport à la femme dont la fonction essentielle et sacrée est la procréation.

Le commerce est la troisième activité la plus importante après l’agriculture et l’élevage, et permet aux marchands propriétaires de grandes caravanes de mulets et chameaux acheminant métaux et textiles, de s’enrichir malgré les risques toujours importants d’attaques.

Les hommes les plus cultivés sont les scribes qui après avoir reçu une formation complète mêlant études religieuses, techniques d’écriture, poésie et mathématiques, sont autorisés à exercer leur art et donc à diffuser le savoir par l’écrit.

Mais dans ce domaine rien ne surpasse les mythes sumériens transcrits de générations en générations : l’épopée de Gilgamesh, d’Erra, Enmerkar et le roi d’Aratta, mais aussi les récits cosmogoniques comme l’Atrahasis ou l’Enuma Elish qui raconte comment l’univers et les hommes furent crées par le dieu Marduk vainqueur de la déesse Tiamat

La société babylonienne est en effet toute nimbée de superstition : les prêtres, devins, prophètes et autres astrologues occupent une place de choix parmi les rois toujours soucieux de leur destinée.

Les ziggurats, étranges et spectaculaires pyramides babyloniennes sont des lieux de cultes et d’offrandes aux dieux.

La mort est considérée comme inéluctable et le cheminement vers l’au delà interminable.

Le notion de jugement moral y est absente, seul comptant  pour les juges (Samas, Anunnaku) la position sociale du défunt pour l’orientation de son âme.

Après leur trépas, les défunts sont honorés et leur mémoire célébrée.

En conclusion, « Histoire de la Mésopotamie » est un ouvrage ultra dense, ultra riche et bien évidemment difficile a assimiler pleinement d’une seule traite tant les informations y abondent, jusqu’au superflu.

Le travail est exhaustif, avec des retours sur un même évènement d’un chapitre sur l’autre, ce qui donne parfois une impression de redite et de non structuration des données.

Autre critique, les plans situés au milieu du livre, sont peu aisés d’accès et rendent compliqué le repérage spatio-temporels des évènements cités.

Malgré ces petits reproches, il serait impensable de ne pas reconnaitre l’immense apport qu’il procure en faisant découvrir une civilisation millénaire, incroyablement évoluée pour l’époque, capable d’inventions techniques stupéfiantes (écriture, agriculture, droit) mais également et c’est sans doute le plus important d’une des plus riches et passionnantes mythologies de l’Histoire de l’humanité.

« Histoire de la Mésopotamie » est donc une formidable découverte qui n’a pas fini de stimuler votre imagination !

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