Congo Inc, le testament de Bismarck (In Koli Jean Bofane)
La littérature africaine est assez peu mise à l’honneur, aussi « Congo Inc, le testament de Bismarck » de In Koli Jean Bofane, est-il une excellente occasion de s’y initier.
Sorti en 2014, « Congo Inc, le testament de Bismarck » se déroule dans la République Démocratique du Congo, dans laquelle Isookanga, un jeune homme issu de l’ethnie pygmée ekonda, décide de ne pas suivre l’exemple de ses aïeux à la vie plus traditionnelle respectueuse de leur environnement naturel.
Fuyant l’exemple de son oncle, Isookanga, biberonné aux jeux vidéo ultra-violents qu’il voit sur un ordinateur volé à Aure Martin, une africaniste belge puissamment attiré, quitte sa forêt du Kivu pour tenter sa chance à Kinshasa.
Mais dans la capitale, l’ambitieux garçon qui se rêve en homme d’affaires mondialiste, rencontre la dureté des conditions de vie et échoue dans une bande d’enfants des rues, les Shégués.
Il rencontre néanmoins Zhang Xia, un Chinois abandonné par son associé et protecteur après qu’il ait détourné de l’argent que son pays souhaitait investir au Congo.
Les deux marginaux sympathisent et décident de s’associer pour vendre une eau « miraculeuse » après avoir tenu tête aux autorités locales lors d’une révolte des Shégués pour protester contre une bavure policière.
Isookanga tente de convaincre Kiro Bizimungu, un ex commandant Tutsi ayant commis des atrocités au Rwanda avant de recevoir la direction du parc national du Kivu, de travailler ensemble pour dénicher les carrières de minerais précieux.
Bizmungu accueille favorablement ce demi-pygmée qui peut lui être utile surtout parce qu’il pense que Xia a une carte de tous les emplacements et que le vieil oncle peut lui enseigner comment éliminer cette nature encombrante.
La corruption de Bizmungu n’est qu’un exemple de celle généralisée qui gangrène un pays ravagé par les remous interminables de la guerre civile entre Hutus et Tutsis.
Celle-ci touche Waldemar Mirnas, commandant lituanien d’un bataillon de l’ONU qui traitait complaisamment avec Bizmungu jusqu’à ce qu’un deal entre les deux hommes tourne mal et que 6 casques bleus uruguayens soient abattus.
Cette bavure oblige Chiara Argento à New-York à demander une enquête de l’ONU sur les circonstances de la tragédie.
Après interrogatoire, Argento comprend que Mirnas n’est pas net dans l’histoire.
Ce dernier qui fréquente Shacha une petite prostituée shégué amie de Isookanga, comprend qu’il est menacé et tente de prendre ses distances avec son ex encombrant partenaire commercial.
Au final, l’étau se resserre inéluctablement contre Bizimungu qui doit fuir pour échapper à une arrestation et à un transfert devant la Cour pénale internationale et trouve la mort par crémation à vif après que sa compagne Adeito, victime d’un massacre devenue son esclave sexuelle, ne le dénonce à une foule hystérique.
Alors que Mirnas continue ses activités sans se douter que Shasha l’empoisonne patiemment à chaque rencontre, Zhang Xia est rattrapé par la justice de son pays qui l’extrade en Chine et Isookanga retourne vers son Kivu natal toujours avec des reves de mondialisation et de richesse plein la tete.
En conclusion, « Congo Inc, le testament de Bismarck » est un roman puissant, vif et habile qui décrit sans ambages la dure réalité d’un pays qui pourrait être plus développé en raison de ses richesses en minerais précieux, mais qui du fait des guerres ethniques, d’un état faible et corrompu, est devenu la proie des multinationales voraces avec à leur tête la Chine.
A travers les yeux d’un jeune pygmée fasciné par les jeux vidéo et le rapper américain Snoop Doog symbole de la réussite capitaliste, In Koli Jean Bofane montre les atrocités du nettoyage ethnique avec ses milliers de meurtres, de démembrement, de mutilations et de viols, la collusion entre forces d’interpositions internationales et anciens criminels promus à des postes clés dans l’Administration, les églises évangéliques comme faible refuge pour des populations pauvres, sur fond de saccage du patrimoine naturel congolais.
Un roman dont les quelques scènes insoutenables nécessaires pour décrire la réalité, sont contrebalancées par le pittoresque de celles sur les villages de la foret ou des marchés de Kinshasa.
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