Histoire de la boxe (Alexis Philonenko)

 



 

Univers fascinant s'il en est, la boxe est ici mise à l’honneur avec « Histoire de la boxe » du philosophe Alexis Philonenko.
Sorti en 1991, « Histoire de la boxe » retrace en quatre longues parties toute l’évolution de ce qu’on appelle le noble art.
Au commencement était l’Antiquité, mais les quelques écrits d’Homère, de Virgile ou d’Enée si ils ne permettent que d’entrevoir ce qu’était réellement le pugilat pratiqué lors des Jeux Olympiques, sont néanmoins assez parlants sur la violence de combats pratiqués munis de lanières de cuir déchirant les chairs et pouvant entrainer la mort.
Bien plus tard, il faut se tourner du coté de l’Angleterre pour retrouver les racines de la boxe moderne, avec les bagarreurs comme Jim Figg qui défiait à coups de poings, pied ou canne des hommes pris au hasard dans les amphithéâtres d’Oxford au milieu du XVII ième siècle.
Plus tard, les combats sauvages se trouvent codifiés par  l’édification des London prize ring rules. Le ring apparait tout comme les conditions des KO mais l’absence de règles sur les catégorie de poids et les coups interdits permet encore bien des dérives.
Daniel Mendoza boxeur anglais d’origine espagnole va devenir une superstar du début du XIXième siècle en vainquant malgré son gabarit modeste (1m70 pour 72 kg) des colosses bien plus grands et lourds que lui mais moins véloces et moins techniques.
Les bourgeois se pressent alors pour voir les matchs et les paris des bookmakers confèrent rapidement une aura sulfureuse de tricherie autour de ce sport.
Sans sourciller, Philonenko établit comme « principe Mendoza » le fait que les poids moyens concentrent le parfait compromis entre vitesse et punch, ce qui les rend capables d’abattre des adversaires plus massifs.
Puis la boxe s’exporte aux États-Unis, se professionnalise, les boxers tentant de curieux régimes, se mettant au travail au sac, à la gymnastique, au footing et à la corde à sauter.
La plupart sont exploités par des managers sans scrupule et courent le cachet dans des matchs minables ou ils sont bien peu récompensés compte tenu des risques pour leur intégrité physique.
Malgré la forte ségrégation qui règne aux États-Unis et barre l’accès au ring pour les boxers noirs, le poids lourd australien Peter Jackson est une exception et put faire jeu égal avec les plus grands champions blancs de son époque, James Corbett dit Gentleman Jim et son compatriote Frank Slavin avec qui il eut une mémorable bagarre dans une Auberge près de Sydney avant de le battre à la régulière sur un ring.
Le Bostonien, John L Sullivan qui ne pesait que 86 kg pour 1m 78 devient le premier poids lourd de l’histoire et livre des combats épiques face à des challengers intelligents et courageux comme Charlie Mitchell qu’il affronta sur une des propriétés du baron de Rothschild.
Mais c’est surtout un poids moyen anglais Robert Fitzimmons qui attire l’attention de l’auteur, en raison de son maitre coup qui assommait à coup sur ses adversaires en un enchainement parfaitement meurtrier au cœur.
Champion des poids moyens, ce champion dur au mal changea de catégories et réalisa l’exploit de vaincre le technicien Corbett, devenant ainsi champion du mondes poids lourds, puis des mi-lourds en triomphant du coriace Tom Sharkey.
On remarquera comme une curiosité le style contre nature du champions des poids légers du début du XX ième siècle Oscar Nielson ce Danois vivant aux Etats-Unis, qui encaissait les coups sans broncher de ses adversaires avant de les frapper une fois épuisés.
En 1910, le poids lourd Jim Jeffries qui a bénéficié du déclin de Fitzimmons et de Corbett, trouve son maitre en la personne de Jack Johnson, premier champion lourd noir, connu pour ces provocations incessantes déstabilisant ses adversaires.
Mais l’Amérique blanche outragée par ce Noir flamboyant et alcoolique, trouve une revanche lorsque le géant lourdaud Jess Willard l’abat en 1915 à la Havane.
Dans ce grand panthéon dominé par les Américains et les Anglais, certains français ressortent du lot comme le petit prodige Georges Carpentier, ex champion de boxe française, qui après avoir conquis le titre de champions du monde mi lourd en 1920, perdit en 1921 contre Jack Dempsey, et surtout le monstre physique Marcel Cerdan, le plus connu d’entre eux, qui croisa les gants avec d’autres légendes : les terribles puncheurs Tony Zale et Jack la Motta et accède au yeux de l’auteur au statut d’âme simple mais noble, rongée par les blessures infligés à ses adversaires.
Philonenko explique ensuite sa fascination pour Gene Tunney, seul boxeur comparable à Mohamed Ali sur le plan du talent pur et de l’intelligence de combat qui accéda au titre en 1926 en prenant le meilleur sur Dempsey et vainquit ensuite Carpentier en un combat mémorable.
Bien évidement, la catégorie se taille la part du lion avec le bon boxeur allemand Max Schmeling, qui récupéré par les nazis, eut un geste d’une grande classe pour l’un des ses anciens adversaires, le géant italien simple et attachant Primero Carnera de 2m05, à qui il évita le peloton d’exécution.
Autre grand champions de la Seconde guerre mondiale, Joe Louis surnommé le Bombardier noir devient le héros symbolique de l’Amérique par sa victoire sur Schmeling en 1938 et Rocky Marciano, sans doute le meilleur poids lourd blanc en raison de son invraisemblable force physique, qui se retira invaincu en 1969 en évitant, chose rare pour la majorité des boxeurs, d’effectuer le combat de trop, pour néanmoins connaitre une fin tragique dans un accident d’avion.
On comprend finalement qu’aucun boxer, mis à part Tunney, ne peut aux yeux de l’auteur être comparé au grand, à l’unique Mohamed Ali, dont le style souple et vif ainsi que la grande intelligence tactique confine au génie qui lui permit de vaincre des de grands techniciens Sugar Ray Robinson, ou des forces de la nature comme Sonny Liston, Joe Frazier ou Georges Foreman, tous curieusement rabaissés.
Lorsqu’en plus Ali, ex Cassius Clay ajoute une dimension politique en devenant un défenseur des droits des Noirs et un objecteur de conscience pendant la Guerre du Viêt-Nam, on comprend que son aura dépasse de beaucoup le petit monde de la boxe.
En conclusion, « Histoire de la boxe » est un ouvrage très détaillé qui ne brille pas par son impartialité, Philonenko avouant de manière très tranchée ses préférences, n’hésitant pas abattre des légendes en les critiquant sur le plan moral mais également sur le plan de leurs facultés intellectuelles pour certains limitées.
Si la multitude d’histoires de boxeurs, souvent tragiques en ce qui concerne l’état de santé déplorable dans lequel la plupart d’entre eux finit, diminués par trop de combats, manipulés par plus malins qu’eux ou ruinés par leur propre inconséquence d’une vie de plaisirs (mondanités, alcool, drogue, femmes) peut parfois lasser par son aspect tristement répétitif, l’aspect technique, tactique et parfois psychologique des grands combats parvient souvent à passionner et à communiquer la passion, assez communicative de l’auteur pour le concept le plus pur du monde : celui de voir deux hommes à demi nus s’affronter avec leurs poings.
Enfin, terminé en 1991, « Histoire de la boxe » occulte volontairement quelques grands champions français (Christophe Tiozzo ? Fabrice Benichou ?) ou internationaux (et Mike Tyson ? Evander Holyfield ?) ce qui pour moi constitue sa faiblesse majeure !

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