Islam, religion, cultures, identités (Mohammad Ali Amir-Moezzi, Pierre Lory)
Sujet délicat aujourd’hui, la religion de l’Islam méritait bien un manuel explicatif, tache difficile à laquelle se sont attelés deux chercheurs Mohammad Ali Amir-Moezzi et Pierre Lory pour le Nouvel Observateur dans « Islam, religion, cultures, identités ».
Dans ce court manuel reprenant des travaux similaires à ceux sur le Christianisme, le Bouddhisme et le Judaïsme, les auteurs proposent un retour aux origines d’Islam situées ver 610 après Jésus Christ, lorsqu’un homme, le prophète Muhamad (Mahomet) inspiré par Allah (Dieu), réussit à partir de la ville de la Mecque en Arabie Saoudite à convertir des Arabes pour embrasser la foi de l’Islam et la répandre soit par le prêche soit par le glaive.
Mais la mort de Muhamad en 632 après Jésus Christ, crée un véritable schisme et aboutit à la création de deux courants antagonistes, le Sunnisme majoritaire (85% des Musulmans) d‘Abu Bakr puis d‘Umar qui étend la conquête islamique en Syrie, Mésopotamie et Egypte, puis d’Uthman qui prend l’Iran et le Chiisme représenté par les descendants du cousin du prophète Ali (15% des Musulmans).
Le Coran, écrit sous le règne du calife Uthman d’après les paroles de Mahomet est le livre saint des Musulmans qui tout en reconnaissant l’existence du Judaïsme et de la Chrétienté, prétend les abroger en corrigeant leurs erreurs d’interprétation.
Écrit aux alentours de 653 d’après des milliers de témoignages oraux recoupés minutieusement, le Coran est en plus d’un guide spirituel, considéré comme guide moral pour les fidèles mais alors que les Chiites se fient aux Imams pour son interprétation, les Sunnites suivent une lecture au pied de la lettre du texte sacré et des exemples de la vie de Muhammad recoupés dans des multitudes de hadiths devant servir de conseils pratiques, à l’exception de quelques courants minoritaires comme l’école mu’tazilite, qui tenta au IXème siècle une exégèse basée sur l’analyse rationnelle et le libre arbitre.
Une autre portée importante du Coran et des Sahihs de Bukhari et Muslim concerne le droit, rendu par des oulémas, faisant office d’autorité juridique de part leur expertise des textes et les fatwas rendues, même si dans ce domaine de nombreux courants continuent d’exister, tel les hanéfites ou les malékistes plus ouverts aux raisonnements juridiques et normes des pays locaux.
Si la conquête islamique n’aura pas que des aspects négatifs et connaitra sous le règne des Abbassides (800-110) un âge d’or avec une grande ouverture intellectuelle vis-à-vis des autres cultures, notamment helléniques par le biais de la philosophie aristotélicienne, puis par la pratique des rites mystiques soufiques, tous ardemment combattus par les courants traditionaliste (Iban Taymiyya, Ghazali) inspiration du Wahhabisme moderne en Arabie Saoudite
Mais si un socle commun existe bien autour du Coran et des Hadiths, de grandes diversité de pratiques existent au contact des peuples conquis (Maghreb, Asie, Afrique noire, Balkans).
La plus grande divergence se trouve cependant chez le Chiisme majoritaire en Iran, présent en Irak, Azerbaïdjan (branche duodécimaine), dans certaines régions du Yemen (branche Zaydite), de l’Irak , de Syrie, Liban ou Israël (branche Druze issue d‘Ismaël) avec au commencement une critique virulente de la version du Coran commandée par Uthman, la présence d’un pouvoir centralisé accordé à un clergé d’Imams censés faire le lien entre le Divin et le Terrestre dans la vie quotidienne et surtout une approche plus rationaliste et politique incarnée par l’ayatollah Khomeiny à la fois guide spirituel et leader politique.
Pour terminer, l’ouvrage relate les principales évolutions de l’Islam, le recul de sa dimension spirituelle (théologie, mystique) au profit d’une approche sociale qu’elle soit insérée dans la sphère d’une pratique subordonnée à la vie privée ou au contraire exacerbée dans un intégriste teinté de nationalisme puissant.
En conclusion, que l’on soit croyant ou pas « Islam, religion, cultures, identités » est un ouvrage instructif montrant l’extrême complexité de l’Islam, de ses principaux courants, qu’ils soient sunnites ou chiites, eux-mêmes soumis à plusieurs clivages.
De l’âge d’or intellectuel et culturel de l’Islam, marqué par une activité théologique soutenue, une mystique et une contribution indéniable aux sciences et notamment à la philosophie, il ne semble rester qu’une version majoritaire réduite à une affirmation sociale articulée autour de pratiques hérités des textes sacrés (Coran, Hadiths) eux non soumis à controverse.
C’est donc cet Islam moins spirituel, plus social, parfois politique ou nationaliste qui semble dominer au XXIème siècle…
Commentaires
Enregistrer un commentaire