Marc Auréle, le martyre des Chrétiens (Max Gallo)

 



 

4ieme volet de la série consacrée aux Romains par Max Gallo, "Marc Aurèle, le martyre des Chrétiens" qui est sans nul doute le plus spirituel de la série.

Après un 3iéme opus largement consacré à la révolte Juive, le thème du central du roman est essentiellement la montée du Christianisme dans l'Empire romain.

Gallo suit toujours le même procédé de la narration par le "je" d'un témoin de l'époque.

Le personnage principal est cette fois-ci Julius Priscus, chevalier et proche de Marc Aurèle.

Priscus fidèle de Marc Aurèle, est tiraillé entre la fidélité aux préceptes de son ancien maître, aux traditions polythéistes romaine et son attirance pour cette nouvelle religion qui se répand comme une traînée de poudre au sein de l'Empire.

L'Histoire débute à la mort de Marc Aurèle en 180.

On peut dire que depuis 86 ans et même depuis plus d'un siècle si on fait exception du règne de Domitien, l'Empire Romain n'a connu que des "bons empereurs", des hommes d'envergure, brillants, mesurés, apportant à Rome d’énormes avancées sur le plan architectural mais aussi social tout en consolidant la stabilité des frontières de l'Empire par leurs succès militaires.

Que ce soient Hadrien le Grand, Antonin Le Pieux ou Marc Aurèle le Sage, tous ont laissés des traces glorieuses.

Oui mais voila avec l'ascension du brutal et pervers Commode, l'Empereur renoue avec les cotés les plus sombres du pouvoir et de nouveau le doute traverse l'esprit de Priscus.

Ce doute s'infiltre par le biais de ses esclaves Chrétiens qui lui font rencontrer Eclectos un vieux prêtre tentant de le convertir à la nouvelle foi.

Les 200 premières pages du roman sont presque à sens unique en faveur d
u Christianisme.

La philosophie de Marc Aurèle semble dépassée et est présentée comme inapte à contre balancer les arguments Chrétiens plus en phase avec leur temps.

La raison en est simple : Priscus est un homme âgé sentant la mort arriver et il n'a pas le courage de suivre la froide résignation stoïcienne de Marc Aurèle, il se sent donc plus proche de personnes lui parlant de résurrection et d'espoir.

La lutte semble donc dans un premier temps décevante, puis alors qu'il est sur le point de céder, Priscus se rappelle des maximes de son ancien maître et s'aperçoit que la philosophie de Marc Aurèle et le discours Chrétien peuvent se rejoindre ....

Au final on ne sait ce qu'il choisit mais les deux systèmes sont largement exposés et mis en balance.

Mis à part cette quête spirituelle passionnante et ce dilemme entre philosophie et polythéisme d’un coté et religion monothéiste de l’autre, le roman met en lumière le règne de Marc Aurèle et les persécutions dont furent victimes les Chrétiens.

Depuis Hadrien en effet,  les Chrétiens furent systématiquement martyrisés et suppliciés au motif qu'en ne respectant pas les Dieux romains, ils troublaient l'ordre public.

En réalité, inquiets par la progression alarmante des conversions les Empereurs cherchaient à endiguer le phénomène pour préserver la stabilité de l'Empire.

Malgré toutes leurs qualités tous les "bons" empereurs massacrèrent donc allégrement les disciples de Christos.

Marc Aurèle qui fut donc assurément l'Empereur le plus sage, le plus pacifique ne fit pas exception.

Cependant il assurait la vie sauve à celui qui abjurait sa foi, interdisait les dénonciations sans témoignage et fit passer une loi pour améliorer le traitement des esclaves en leur reconnaissant un statut d'être humain.

Bien que philosophe, Marc Aurèle avait un empire à gérer et même si tout laisse à supposer qu' il ne croyait probablement pas aux Dieux romains, il connaissait le pouvoir de la religion pour cimenter son peuple.

A la différence des Juifs qui se révoltèrent de nombreuses fois et défièrent militairement Rome (en payant le prix fort ), les Chrétiens se font pacifistes, ils vont au martyr en chantant, croyant à la résurrection.

Leur exemple impressionne les foules et les répressions ne parviennent pas à endiguer ce raz de marée.

En choisissant la voie de la conversion des ames au lieu de la lutte armée, les Chrétiens réussissent donc la ou les Juifs ont échoués.

Leur succès par rapport aux anciens Dieux romains tient aussi par le fait que leur Dieu promet la vie éternelle.

De ce livre, je retiendrais surtout les puissantes citations de Marc Aurèle, philosophe dont je me sens proche et dont je partage la froide lucidité.

Priscus semble reprocher à Marc Aurèle de ne pas avoir d'espoir, mais il oublie de préciser que en bon stoïcien Marc Aurèle n'avait pas de crainte non plus.

Pas d'espoir, pas de crainte, seul le présent compte, le passé et le futur ne nous appartenant pas ...

Ce tome 4 traitant de religion, de philosophie, de politique dans un cadre historique passionnant est donc à conseiller comme le plus cérébral de la série.

Je ne peux résister à livrer une citation de Marc Aurèle pour finir, citation qui reflète à mes yeux la réalité des choses, ce que toute sa vie l'être humain essaie de se cacher en se voilant la face  :

"  La durée de la vie humaine ? Un point.
Sa substance ? Fuyante.
La sensation ? Obscure.
Le composé corporel dans son ensemble ? Prompt à pourrir.
L'ame ? Un tourbillon.
Le sort ? Difficile à deviner.
La réputation ? Incertaine.
Pour résumer au total, les choses du corps s'écoulent comme un fleuve, les choses de l’âme ne sont que songe et fumée.
La vie est une guerre et un séjour à l'étranger, la renommée qu'on laisse, un oubli.
Qu'est ce qui peut la faire supporter ? Une seule chose la philosophie."

A titre personnel un Marc Aurèle m'apportera toujours plus que n'importe quelle religion car je n'ai pas besoin de croire à quelque chose pour vivre.

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