Les Fosses d'Iverson (Dan Simmons)

 



Dan Simmons a longtemps été à mes yeux l’un des meilleurs écrivains contemporains de fantastique et  de science fiction.

Auteur prolifique à l’imagination foisonnante il m’a tout d’abord estomaqué avec « L’échiquier du Mal » (son chef d’œuvre à mes yeux ), impressionné avec ses « Hyperion », agacé avec « L’épée de Darwin »  puis quelque peu ennuyé avec « Ilium ».

« Les Fosses d’Iverson » est une courte nouvelle tirée du premier recueil qui le fit connaître « Le Styx coule à l’envers ».

On y retrouve Johnny, un jeune scout d’une dizaine d’années en 1913, chargé de participer aux commémorations de la bataille de Gettysburg, qui fut le point culminant de la guerre de Sécession en 1863 avec une féroce bataille qui coûtât la vie en trois jours à 23 000 Nordistes et 30 000 Sudistes .

En 1913, on célèbre donc en Pennsylvanie le cinquantenaire de cette hécatombe : les vétérans sont invités pour défiler et chaque « boy scout » est chargé d’accompagner un des vieillards.

Johnny se voit chargé du capitaine Montgomery, vieux rescapé sudiste unijambiste au comportement irrationnel et inquiétant.

Montgomery raconte à Johnny son histoire et le petit garçon découvre par son témoignage l’horreur de la guerre.

Montgomery appartenait à un régiment sudiste de Caroline du Nord , commandé par le colonel Iverson, un officier incompétent et dangereux ne devant sa place au sein de l’armée que par sa filiation avec un sénateur proche du président sudiste Jefferson Davis.

A Oak Hill, Iverson envoya ses hommes à la mort, les forçant à charger en terrain découvert pendant qu’il prenait son petit déjeuner à l’abri du champs de bataille.

Tombé dans une embuscade le régiment de Montgomery fut, comme d’autres régiments sudistes ce jour la, massacré.

Montgomery décrit l’horreur et le chaos, ses amis tombés, son frère mort à ses cotés , les Nordistes venant achever les blessés à la baïonnette en riant.

Blessé par quatre balles, ayant perdu une jambe, Montgomery ne dut son salut qu’à son ensevelissement sous une pile de corps.

Après ce désastre, Iverson fut relevé de ses fonctions, mis à l’écart du front mais les relations de sa famille lui permirent d’obtenir de l’avancement et le grade de général.

Cinquante ans après, même vieillissant et à demi fou, l’ancien capitaine n’a rien oublié et espère retrouver Iverson à cette commémoration pour le tuer.

Cette rencontre assez improbable sur le papier va pourtant avoir lieu dans une atmosphère surréaliste à l’endroit même ou sont tombés les soldats, enterrés à la va vite dans des fosses communes.

Mais Iverson aidé par un jeune neveu habitant à proximité n’a aucun mal à tuer le vieux capitaine infirme et s’apprête à faire subir le même traitement au jeune garçon.

Le récit bascule alors dans le fantastique horrifique puisque la terre se révolte, l’ame des soldats morts ensevelis dans les fosses se vengeant en aspirant sous terre Iverson et son neveu.

Au final le petit Johnny devient l’unique survivant de cette épisode tragique.

En 1988, le petit Johnny devenu à son tour vieil homme  n’a rien oublié de cette aventure ans et se heurte à ses petits enfants qui eux  vivent dans le présent et déjà ont oublié leur Histoire

Ouvrage sans doute mineur dans la longue carrière de Dan Simmons, « Les fosses d’Iverson » est néanmoins un ouvrage fort, révélant tout  le talent de son auteur.

Réflexion émouvante autour des thèmes de la guerre, de la transmission , de la mémoire ou de son absence auprès des nouvelles générations, ce livre contient des passages particulièrement réussis, notamment celui ou le jeune Johnny raconte un rêve morbide absolument terrifiant ou il se voit gisant sur un champs de bataille et dévoré par les insectes qui colonisent son corps pour le dissoudre dans la terre.

J’ai d’autre part l’impression que les américains accordent à  la guerre de Sécession la même place que celle que nous accordons à notre guerre de 14-18 c’est à dire celle de leur première guerre moderne, celle ci s’avérant d’autant plus déchirante qu’elle était civile.

Il est à noter que Gettysburg, qui est sans doute le Verdun américain, reste encore aujourd’hui un lieu de recueillement dans l’inconscient collectif du peuple américain.

Dan Simmons avoue lui même avoir été très marqué par ces visites dans ce lieu.

Personnellement je trouve depuis l’enfance cette période de l’Histoire passionnante donc me verrais tout à fait dans la peau du petit Johnny recueillant fiévreusement les témoignages des anciens combattants.

Une belle citation pour finir :

«  Le passé dit on est mort et enterré. Mais si profondément enfouies soient elles certaines choses gardent un lien avec le présent telles de vieilles racines noueuses remontant à la surface, et je suis de leur nombre.

Pourtant je n’ai de liens avec personne, il n’y a personne pour écouter mon récit

Ma fille a grandi puis a quitté ce monde en 1953, emportée par un cancer …

Mes arrière petits enfants nés dans une période qui n’accorde plus guère de différence entre les sexes sont incapables de concevoir un passé aussi lointain que les années de mon enfance ayant précédé la grande Guerre et encore moins la sanglante réalité de la guerre de Sécession.

… libérés des terreurs et des marées de l’océan de  l’Histoire, imprégnés d’une ignorance hautaine de tout ce qui les a précédés, eux, le Big Mac et MTV. »

Pourtant  grâce à des gens comme Dan Simmons et à la magie de l’écriture,  la mémoire même partiellement reflétée se transmet à travers les ages.

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