Louis de Funès, ne parlez pas trop de moi, les enfants (Patrick et Olivier de Funès)
Vous avez pu je le pense déceler au gré de certains chroniques mon admiration pour l’acteur Louis de Funès aussi ai-je lu avec beaucoup d’intérêt sa biographie co-écrite par ses deux fils Patrick et Olivier « Louis de Funès, ne parlez pas trop de moi, les enfants ».
Paru en 2005 soit plus de vingt ans après sa mort, l’ouvrage a pour lui le bénéfice de la sincérité que peuvent éprouver deux fils pour leur père.
Après une préface surprenante de Jane Goodall, éthologue anglaise de renom qui a su déceler chez l’artiste des facultés d’études des comportements humains similaire à son travail concernant les chimpanzés, « Louis de Funès, ne parlez pas trop de moi, les enfants » nous fait découvrir la vie de l’un des acteurs les plus populaires du cinéma français.
Né en 1914 d’un père espagnol qui décédera prématurément après avoir longtemps cherché fortune au Venezuela, Louis de Funès sera élevé en région parisienne par sa Mère également espagnole qui avait elle aussi visiblement des dons de comédienne.
De constitution chétive, de Funès est exempté de service militaire parce qu’on le croit tuberculeux et est très tôt plus passionné par la musique que par les études.
Autodidacte nanti d’un sens du rythme quasi inné, il se produit sous l’Occupation allemande comme pianiste dans les clubs de jazz parisiens.
C’est par le biais de la musique qu’il rencontre Jeanne Augustine Barthélémy descendante de la famille Maupassant qui deviendra en 1943 sa seconde épouse après un premier mariage raté.
Malgré la précarité de la vie d’artiste et des horaires nocturnes souvent exténuants, de Funès fait des rencontres intéressantes, le cinéaste Jean Pierre Melville qu’il respectait beaucoup, Eddy Barclay autre passionné de jazz et surtout Daniel Gélin qui lui permettra de décrocher ses premiers petits rôles au théâtre et au cinéma.
En 1957 , il interprète la pièce « Oscar » de Claude Magnier avec pour partenaires Jean Paul Belmondo et Pierre Mondy qui fera exploser au grand jour ses talents d’acteur comique.
Le succès de la pièce fait de lui une star et les propositions au cinéma deviennent plus intéressantes comme ce second rôle marquant dans « La traversée de Paris » au coté de Bourvil et Gabin.
Mais de Funès apparait comme un homme aux gouts simples et discrets, mal à l’aise avec la célébrité.
Pour protéger sa famille, il est contraint de déménager, quittant les abords de la gare Saint Lazare pour ceux beaucoup plus bourgeois du Parc Monceau.
Parallèlement à cela il mène une vie emplie de calme et de nature dans le château de Clermont sur Loire, prêt de Nantes, propriété de sa femme.
L’homme est décrit comme anxieux, un brin paranoïaque mais très humain, proche des gens et très soucieux de sa famille.
De Funès tente de donner gout au métier d’acteur à Olivier qu’il fait tourner avec lui au théâtre et dans certains de ces films, même si ce dernier reconnaitra assez vite ses limites et se destinera ensuite vers le métier de pilote de ligne.
Le génie comique de de Funès repose sur la finesse de son sens de l’observation qui lui fait déceler chez ses semblables les comportements les plus drôles dans le registre de la lâcheté, de la colère ou de l’hypocrisie.
A ses dons d’observations se superposent des dons de mimétisme prodigieux et un sens de l’interprétation qui le poussait à inventer sans cesse de nouvelles idées de gags pour se renouveler et ne pas lasser son public.
1964 est l’année de la consécration pour de Funès, il y rencontre des réalisateurs capables de prendre de magnifier son génie comme Jean Girault (la série des « Gendarme de Saint-Tropez ») , André Hunebelle (la série des « Fantomas ») mais surtout Gérard Oury sur « Le corniaud » qui profitant de sa formidable complicité avec Bourvil fera de lui le plus grand acteur comique français de l’époque.
Dans chacun de ces films l’acteur incarne des personnages de petit nerveux, lâche, cupide, égoïste et colériques contre balancés par son partenaire de l’époque, ahuri, simple et naïf au grand cœur.
Cette association culminera en 1966 avec « La grande vadrouille » qui reste jusqu’à maintenant sur le podium des plus grands succès du cinéma français.
Les fils de de Funès parleront des relations de leur père avec les autres acteurs, tendues avec un Jean Gabin assez antipathique ou un Jean Marais excédé par son coté perfectionniste mais excellentes avec son ami Bourvil avec qui il était en parfaite harmonie.
Le réalisateur Robert Dhéry ainsi que le dramaturge Jean Anouilh compteront également parmi ses proches.
Rien en revanche ne figure sur celles avec un autre grand de l’époque, Michel Galabru.
Il participe à l’adaptation de sa pièce fétiche « Oscar » par Edouard Molinaro au cinéma en 1967, et doit faire avec Yves Montand en 1971 pour « La folie des grandeurs » après la mort de Bourvil un an plus tôt.
Mais après le succès fulgurant de « Les aventures de Rabbi Jacob » l’homme fait un infarctus et passe près de la mort.
Malade, déprimé, contraint à l’inactivité, de Funès doute et pense à arrêter sa carrière.
Mais il réalise qu’il est fait pour jouer et décide donc de redémarrer en adaptant son jeu pour le rendre moins explosif, moins physique en jouant plus sur le registre de l’émotion.
Après d’autres belles rencontres, notamment avec Coluche pour « L’aile ou la cuisse » et Jacques Villeret pour « La soupe aux choux », Louis de Funès décède en 1983 après un ultime volet des Gendarmes.
En conclusion , « Louis de Funès, ne parlez pas trop de moi, les enfants » est à l’image de son sujet, un livre intéressant et touchant.
Pour être franc tout le monde se moque des états d’âmes des fils de Funès et de leurs parcours personnels relativement banals, mais les anecdotes de leur passé concernant les relations d’intimité sont en revanche captivantes.
Derrière le masque du clown perfectionniste travaillant sans relâche sa mécanique du rire au risque de déstabiliser les réalisateurs, se cachait un homme à la discret et humble préférant rouler en DS plutôt qu’en Jaguar, un homme intelligent et hyper sensible, soucieux de la protection de la nature, dégouté par les politiciens comme Pompidou ou Giscard d’Estaing qui tentaient de capter à leur profit son immense succès populaire.
Plaisant hommage de fils à leur père, « Louis de Funès, ne parlez pas trop de moi, les enfants » ne fait que renforcer l’admiration et l’affection qu’on peut éprouver pour cet acteur hors norme qui a donné et donne encore tant de plaisir aux gens.
Commentaires
Enregistrer un commentaire