Tomber sept fois, se relever huit (Philippe Labro)

 



Philippe Labro, je ne sais pas ce qu’évoque ce nom pour vous mais pour moi il n’évoquait que de vagues souvenirs de troisième avec un livre « L‘étudiant étranger » qu’on m’avait forcé à lire sans que cela ne me passionne une seule seconde, mais il faut dire pour être tout à fait honnête qu’à l’époque peu de choses relatives à l’école me passionnaient.

Pourtant le sujet de son dernier livre « Tomber sept fois, se relever huit »  m’a intéressé.

Labro y raconte la terrible dépression à laquelle il a du faire face pendant un an entre 2000 et 2001.

Ayant été touché par cette maladie par l’intermédiaire de proches je me suis dit que lire ce livre allait sans doute être pour moi une expérience douloureuse mais enrichissante.

En 2000, Labro est au sommet de sa carrière professionnelle.

Journaliste et écrivain reconnu, metteur en scène et parolier à succès, il occupe une place de choix au sein de la radio RTL et s’apprête à accéder à la plus haute marche : celle de président directeur général.

Pourtant un jour subrepticement ce mal sournois et puissant se glisse en lui comme une bête rampante.

Labro décrit bien les premiers symptômes physiques, perte du sommeil et de l’appétit, essoufflements, transpiration abondante, tremblements incontrôlables, sentiment d’épuisement, d’anéantissement, de vide absolu, perte du désir de toute chose.

Il compare cela à un rat lui rongeant les entrailles ou à une broyeuse lui retournant le ventre de l’intérieur.

Dés lors il va avoir de plus en plus de difficultés à assurer ses fonctions de patron.

Cherchant dans un premier temps à nier sa maladie et à donner le change, il ne va pas tromper son monde longtemps et dans le milieu médiatico-politique qu’il fréquente, certains de ses « amis » vont vite se transformer en oiseaux de proies guettant sa chute pour prendre sa place.

Heureusement Labro bénéficie d’un soutien de taille : l’amour des siens et tout particulièrement de son épouse Françoise.

Celle ci lui fait prendre conscience de sa maladie et du fait qu’il lui faut consulter un médecin.

L’aspect traitement médical est le plus terrifiant du livre.

Labro décrit l’effet des antidépresseurs sur son corps.

Ceux ci le « tassent », l’abrutissent et n’arrangent pas son état , bien au contraire.

Le Prozac notamment à un effet désastreux sur lui.

  Assèchement permanent, difficultés à parler, troubles de la vision, constipation colossales en sont les symptômes principaux.

Désespéré Labro pense au suicide, conclusion logique d’un grand nombre de dépressions.

Il y renonce finalement mais sa déchéance est terrible.

Les fêtes de Noël ou une croisière au Bahamas pour lui redonner goûts à la vie tournent au drame tant sa maladie le rend incompatible avec les aspirations des gens normaux.

Finalement après consultation d’un autre médecin son traitement est changé et ce nouveau médicament (l’Anafranvil ) le remet en selle.

La dernière partie du livre est la plus intéressante, Labro y décrivant sa lente remontée à la lumière mais tentant également d’analyser les causes de sa dépression.

Il regroupe plusieurs facteurs, ceux du patrimoine génétique par exemple (un père probablement atteint du même mal ), puis les accidents de la vie c’est à dire les traumatismes psychologiques, enfin sa récente promotion professionnelle qui a généré en lui un conflit intérieur insupportable le dévorant de l’intérieur.

Un dernier facteur que je trouve le plus intéressant de tous est pour moi l’éventualité d’un choc post traumatique suite à une opération.

Quelques années plutôt Labro a en effet failli mourir d’une infection aux poumons, flirtant avec les limites du royaume de la mort.

Il évoque une statistique que j’ignorais : les gens ayant subi des hospitalisations prolongées ou des opérations sérieuses peuvent être sujet à des dépressions plusieurs années après comme si le corps gardait en mémoire le choc éprouvé.

Enfin Labro dans un excès de positivisme lance un message d’espoir pour dire aux malades qu’ils peuvent s'en sortir comme lui a pu le faire.

« Tomber sept fois, se relever huit » est un livre courageux et intime sur une maladie terrible, mystérieuse même si connue depuis l’Antiquité sous le terme « Mélancholia ».

Pour autant Philippe Labro me paraît etre un privilégié.

En effet, c’est un homme entreprenant, créatif, combatif , n’ayant pas de problème financiers, évoluant dans un milieu ou il a l’habitude de côtoyer des hommes puissants et riches, soutenu enfin par une famille dévouée.

Il possédait donc à mes yeux beaucoup d’atouts pour stimuler les ultimes mécanismes de défense de son organisme auxquels il fait allusion.

Malheureusement tout le monde ne possède pas ces chances.

Dans les cas qui me sont  proches l’aspect génétique était je pense prédominant, entraînant un mécanisme irrésistible que rien ne pouvait enrayer.

Les choses ne sont donc pas aussi simples, il n’y a pas que la dépression de Philippe Labro mais une multitudes d’autres un peu à la manière de cancers psychiques.

Je ne regrette néanmoins pas l’expérience et salue le courage de cet auteur.

Dernière remarque plus légère, comment un homme aussi amoureux de Chopin et  de Schubert a t il pu écrire autant de chansons pour Johnny Hallyday ?

Cette pensée suffirait à elle seule à me plonger dans une dizaine d’années de dépression intense !

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