L'Immeuble Yacoubian (Alaa El Aswany)

 



« L’Immeuble Yacoubian » est un best seller d’un avocat et écrivain égyptien Alaa El Aswany, best seller dont a été tiré un film (que je n’ai pas vu ).

Toujours méfiant sur les « best sellers » et les produits grand public à la Marc Lévy et consorts, j’ai quelques peu hésité avant de me plonger dans sa lecture.

Pourtant j’ai rapidement été happé par l’histoire et surtout par le style limpide, précis et superbe de El Aswany.

J’ai aussi compris très vite que je lisais un chef d’œuvre de la littérature.

« L’Immeuble Yacoubian » raconte l’histoire de plusieurs personnages emblématiques chacun à leur façon d’une partie de la société égyptienne d’aujourd’hui.

Leur point commun ? La fréquentation à un instant donné de leur vie de ce bel immeuble situé dans un vieux quartier du Caire, immeuble ayant traversé les époques et étant passé de mains en mains au fil des évolutions politiques de l’Égypte.

L’idée de départ de tout rattacher à cet immeuble et à ses occupants pour décrire une société est je trouve particulièrement brillante voir géniale.

Les personnages principaux de cette fresque haute en couleur sont Zaki, vieil aristocrate copte ayant fait ses études dans les universités françaises, courant les femmes pour oublier sa vieillesse, sa solitude et les conflits avec sa sœur cupide et teigneuse, El Hazzam homme d’affaire véreux manœuvrent en eaux troubles entre politique et religion pour arriver à ses fins, Hatem directeur  d’un journal cairote vivant en secret son homosexualité puis enfin Taha et Boussaina couple de jeunes amoureux que la vie va violemment séparer.

A travers ses personnages, El Aswany s’attaque à des sujets difficiles et rentre en profondeur dans les arcanes de la société égyptienne.

Ainsi nous dépeint-il les codes utilisés par les homosexuels pour vivre dans une société ou la religion islamique et les traditions exercent une pression vivace sur les mentalités.

Nous comprenons aussi toute la corruption gangrenant ce pays, la violence de la police qui toute puissante use fréquemment de la torture et du meurtre,  les moyens également très hypocrites de contourner la religion qui finalement n’est souvent qu’une façade de bonne réputation dans la société.

Mais l’aspect le plus fort du livre est l’histoire de Taha, refusé à l’examen de la police malgré ses bonnes notes en raison de son origine modeste, qui de frustrations en frustrations va basculer dans l’Islamisme et le terrorisme avant de terminer sa jeune existence de la manière la plus dramatique qui soit.

El Aswany livre une vision sans fard de la société égyptienne et le plus important sans porter de jugement, passant avec une égale aisance d’un point de vue à l’autre ,aussi radicalement différents soient ils les uns des autres.

La constat final est tout de même celui d’un fort message politique avec une population volontairement laissée dans la pauvreté et l’ignorance dans un pays autrefois prospère et influencé par les lumières de l’Europe puis socialisé sous Nasser, devenu faussement démocratique par la suite avec un régime très militarisé et subissant une forte poussée islamique depuis.

A ce titre les désirs d’immigration en Occident ou dans les Pays du Golfe émis par les personnages sont très révélateurs des aspirations de la jeunesse.

Pourtant « l’Immeuble Yacoubian »  n’est pas un livre misérabiliste ou triste, El Aswany parvient à distiller une émotion quasi constante et à nous attacher presque viscéralement aux personnages.

Le style clair et brillant  insuffle un formidable souffle de vie au roman qui fait qu’on le dévore avec un plaisir incroyable.
Alors oui on peut lire « L’Immeuble Yacoubian » dans l'idée de comprendre l'Egypte d'aujourd'hui  et de pénétrer sa société mais on peut tout simplement lire « L’Immeuble Yacoubian » pour découvrir un véritable bijou de la littérature car il appartient au genre de livre qu'on oublie tout simplement jamais.

    

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