Politique (Aristote)

 



Le « Politique » d’Aristote constitue l’un des ouvrages de référence de la philosophie.

Après avoir lu l’«  Éthique à Nicomaque », je trouvais logique de m’attaquer à cet autre monument.

Préalable important, compte tenu de la complexité et de la portée de cet ouvrage, je ne revendique aucune prétention d’exhaustivité et c’est en toute humilité que je rends compte de mes impressions relatives à ma lecture d’une œuvre sujette à de multiples interprétations au fil des temps.

« Le Politique » ou plutôt « Les Politiques » regroupe un recueil de huit livres.

Si l’objet de l’Éthique portait sur le choix de la meilleure façon de vivre à titre individuel, celui du Politique porte sur le choix du meilleur gouvernement pour vivre en collectivité.

Ce recueil très riche, traite donc des constitutions, des lois, en abordant les notions de pouvoir, de classes, de citoyenneté.

Le livre premier constitue un préliminaire, Aristote s’y interrogeant sur les rapports dominants/dominé.

C’est à cette occasion qu’est énoncé le fameux « l’homme est un animal politique » citation la plus célèbre d’Aristote.

Par cette phrase Aristote veut dire que l’homme est fait pour vivre  dans des communautés organisées en cités.

Sa supériorité sur l’animal étant sa perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste.

Sont abordées les questions de domination du père sur ses enfants, du mari sur sa femme, du maître sur ses esclaves.

La question des femmes et des enfants est vite traitée, leur infériorité étant évidente aux yeux d’un homme de l’Antiquité.

La question de l’esclavage est plus complexe, Aristote dit que certains hommes sont faits pour être commandés mais que ceux ci sont également dotés de raison et doivent être traités de manière juste.

L’esclavage exercé par la force sur par exemple des peuples vaincus à la guerre est considéré comme injuste et contre nature.

Dans le cas d’un régime politique d’une cité, les rapports dominants/dominés sont très différents puisque gouverner c’est commander des hommes libres.

Le livre second est une critique de la République et des Lois de Platon.

Aristote contredit méthodiquement son ancien maître sur sa vision de la cité idéale et relève ses insuffisances.

Trois constitutions de cités réputés bien gouvernées sont étudiées et critiquées : celle de Sparte, celle de Crète et celle de Carthage.

Dans le livre trois, Aristote définit ce qu’est pour lui la cité et le citoyen.

La question du citoyen est complexe et sera largement débattue.

En effet sa définition varie suivant les cités.

Pour Aristote un citoyen est quelqu’un qui prend par au pouvoir de la cité.

Dans l’Antiquité ce privilège n’était pas donné à tous.

Cela pouvait dépendre de sa classe sociale mais encore plus de son ascendance.

Ainsi les étrangers « métèques » non issus de deux parents citoyens n’étaient pas considérés comme citoyen d’Athènes.

Dans ce livre Aristote expose les principales constitutions : la royauté règne d’un seul homme, l’aristocratie d’un petit nombre, la « politie » du plus grand nombre.

Ces régimes sont justes car ils œuvrent pour l’intérêt général ce qui n’est pas le cas de leurs déviations : tyrannie, oligarchie et démocratie.

Les livres suivants, très complexes, subtils et denses,  étudient de maniérés détaillée ces constitutions et les conditions de leur maintien.

Aristote pense que donner le pouvoir à plusieurs hommes est de manière générale préférable qu’à un seul, car celui ci décidera moins bien seul.

Cependant concède t il, si un homme exceptionnel (au sens de sa vertu )  surclassant tous les autres par ses qualités venait à exister, il serait logique de lui donner le pouvoir à la condition de l’exercer par la loi.

(La j’ai pensé au Général Degaulle pendant la seconde guerre mondiale ).

La tyrannie régime fondé sur la force non sur la loi et destiné à promouvoir l’intérêt personnel du tyran est considéré comme le pire des régimes.

La démocratie fondée sur la liberté et l’égalité est pour Aristote le moins mauvais des régimes déviés.

Cependant il faut prendre garde à ne pas laisser naître des démagogues qui par décrets successifs viendraient transformer ce système en tyrannie.

Dans le livre cinq, Aristote s’intéresse aux causes de changement de régimes.

Il isole assez vite la démocratie et l’oligarchie, les mettant en parallèle.

L’oligarchie fondée sur l’inégalité, provoque sa chute lorsque les oligarques veulent toujours plus de richesses et de supériorité.

Quand au cas de la démocratie, c’est la recherche des toujours plus d’égalité entre hommes qui ne le sont pas qui provoque des guerre civiles.

En d’autres termes si on est dans un état d’infériorité on se révolte pour avoir l’égalité, si on est dans un état d’égalité on se révolte pour avoir la supériorité.

Il en ressort donc un rapport extrêmement  complexe et subtil entre les riches et les pauvres afin de garantir un équilibre.

Aristote fait l’éloge de la classe moyenne, en effet quand celle ci prédomine dans une population, elle entraîne une plus grande stabilité dans le régime démocratique.

Le livre VI concerne l’étude des moyens de mélanger démocratie et oligarchie pour trouver les meilleurs combinaisons possibles afin de composer le corps délibératif et de la magistrature d’une cité.

Le livre VII s’intéresse au choix de la meilleure constitution pour une cité en fonction de critères géographiques, ethniques mais aussi sociaux.

Aristote voit évidemment le peuple Hellène comme le meilleur, les peuples du Nord sont vus comme courageux mais peu intelligents et  incapables de gouverner leurs voisins, les peuples d’Asie comme intelligents et habiles mais manquant de courage ce qui les maintient en état de servilité.

Je crois effectivement que les Grecs de l’époque étaient en avance sur tout le monde mais il faut minorer ce jugement par l’extrême cloisonnement des peuples de l’Antiquité qui faisait que finalement Aristote ne connaissait pas vraiment les gens dont il parlait et devait en avoir une vision quelque peu déformée.

Les critères sociaux sont intéressants, si les cultivateurs, artisans et commerçants sont nécessaires à la vie de la cité, ils ne doivent pas être considérés comme des citoyens.

Les travailleurs manuels surtout n’ayant pas le loisir nécessaire pour se consacrer à la vie méditative et donc de devenir vertueux sont exclus.

En effet pour accéder à des fonctions au sein de la cité il est préférable d’être soit un conseiller en droit soit d’être un hoplite c’est à dire un militaire.

Connaître les lois et savoir obéir ou commander sont en effet de précieuses qualités pour administrer une cité.

Cet ordre peut être soit figé soit alterné suivant les circonstances.

Aristote critique également les cités dont la logique militaire les pousse à toujours être en guerre pour dominer ses voisins.

Le dernier livre, quelque peu à part est consacré à l’éducation du futur bon citoyen.

Aristote y traite presque exclusivement de la musique en en faisant son éloge pour l’éducation au même titre que la gymnastique, la rhétorique, le dessin  ou les mathématiques.

Le but n’étant pas de faire de chaque citoyen un virtuose ou un athlète mais de le rendre en bonne santé et d’éveiller en lui une certaine sensibilité de l’âme.

Mon sentiment final est quelque peu mitigé, « le Politique » bien  que prolongement logique de « l ‘Éthique » est une œuvre difficile et dense et il est parfois difficile de suivre le maître dans ses raisonnements.

Le fait de ne pas avoir bien en mémoire la République de Platon constitue un handicap car Aristote se réfère souvent à cet ouvrage pour mieux le critiquer.

Aristote, moins idéaliste que Platon et ses philosophes rois, propose une vision plus  réaliste et pratique de la vie en cité.

D’autre part je pensais naïvement  avec mes yeux d’Occidentaux du XXI iéme siècle qu’Aristote démontrerait clairement que la démocratie était le meilleur des régimes mais ce n’est pas le cas.

Les qualités de la démocratie sont certes mises en avant mais Aristote nuance fortement ce point de vue absolue en introduisant des conditions (historiques, géographique, ethniques ) à l’établissement d’un régime.

Ceci est je pense intéressant lorsque des gens comme George W Bush ont tenté des greffes hasardeuses de démocratie occidentales sur des régimes quasi féodaux comme ceux de l’Irak ou de l’Afghanistan.

Je dois avouer avoir plus été touché par le sujet de l’Éthique que par celui du Politique.

Néanmoins cet ouvrage me paraît indispensable pour qui s’intéresse à la politique, au droit voir à l’économie, ce qui vous l’aurez compris n’est pas tout à fait mon cas.

Il est à noter que Montaigne et surtout Machiavel avec son fameux « Le Prince »  s’en serviront de base pour développer leurs idées.

Citations pour finir  «  La paix est la fin ultime de la guerre, le loisir celle du travail ».    

« L’entraînement à la guerre il ne faut pas le pratiquer en vue de réduire en esclavage des gens qui ne le méritent pas  mais d’abord éviter soit même d’être l’esclave d’un autre , ensuite rechercher l’hégémonie dans l’intérêt de ses sujets  et non pour régner en maître sur tous et en troisième lieu de dominer en maître des êtres qui méritent d’être esclaves ».

     Cette dernière citation est plutôt ambiguë, la notion d’infériorité étant très subjective.

Je me demande aussi de quelle manière Aristote a t il perçu les conquêtes militaires quasi sans limites de son ancien élève, Alexandre ?

Certes Alexandre ne réduisait pas les peuples en esclavage mais il était dans une logique assoiffée de pouvoir et de conquête contraire selon moi aux préceptes du philosophe.

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